Le combat des ombres
Il vous faut comprendre son importance pour Benedetti. De là, nous parviendrons à déduire le plan ourdi par le camerlingue.
Il fallait surtout que Leone protège l'enfant afin que leur Quête se poursuive. Sans que Viancourt comprenne au juste pourquoi, le jeune garçon était devenu un enjeu crucial.
– Il en sera fait selon vos ordres, s'inclina Leone. Et mon frère… nous nous reverrons.
– À Dieu plaise.
1 Un chevalier de justice devait pouvoir se prévaloir d'au moins huit quartiers de noblesse en France et en Italie et de seize en Allemagne. Le titre de chevalier de grâce, en revanche, était acquis par le seul mérite.
2 On regroupait à l'époque sous ce terme les malades présentant des symptômes dermatologiques que la maladie soit ou non infectieuse, comme la lèpre.
3 En 1296.
4 À l'origine : personne exposée publiquement à la malédiction par l'autorité ecclésiastique. Excommunication majeure prononcée contre les ennemis de la foi catholique et les hérétiques.
5 Les frères ne pouvaient se déplacer sans lui. Tout commandeur rencontrant un hospitalier incapable de le produire avait obligation de le faire arrêter aussitôt et juger par l'Ordre.
Château d'Authon-du-Perche, Perche, septembre 1306
Artus d'Authon relut pour la troisième fois le court rouleau porteur du sceau royal. Lorsque Ronan le lui avait tendu quelques instants plus tôt, il avait d'abord ressenti une agréable surprise. Ronan attendait sa réaction, le visage éclairé de plaisir. Un plaisir fugace qui s'évanouit lorsque son maître releva le regard.
– C'est à n'y rien comprendre, lâcha le comte en se levant brutalement de l'un des petits fauteuils qui parsemaient la circonférence de sa salle de travail en rotonde.
Ronan patienta, soudain inquiet. Artus serra les mâchoires et murmura :
– Fol que je fais ! J'ai cru… que sais-je, à la venue prochaine du roi sur mes terres, ou à tout autre événement de cordialité !
Le vieux serviteur se retint de questions, en dépit de l'attachement qu'il éprouvait pour Artus, sur lequel il veillait depuis son enfance. Le comte expliqua, prouvant par là en quelle tendresse, lui aussi, tenait Ronan.
– Le roi me… somme de me présenter devant le tribunal réuni en la maison de l'Inquisition d'Alençon afin d'éclairer des… incertitudes concernant l'issue du procès de la comtesse, incertitudes qu'auraient fait apparaître des témoignages.
À la mention du tribunal inquisitoire, Ronan avait blêmi.
– Votre pardon, monseigneur ?
– Tu as bien ouï.
– Comment… Que…, murmura le vieil homme, butant sur ses mots.
– Je n'en sais guère plus que ce que je viens de te conter. Il s'agit d'un commandement de suzerain, pas d'une missive de l'ami à qui j'ai enseigné la fauconnerie.
Ronan eut la conviction que le ton de l'ordre blessait davantage son maître que la teneur du billet royal. Quant à lui, depuis quelques instants, la peur l'avait envahi. On savait lorsqu'on pénétrait en une maison de l'Inquisition, jamais lorsqu'on en ressortait.
– Se peut-il que le jugement miraculeux qui a sauvé madame la comtesse…
– Soit remis en doute ? articula Artus d'un ton glacial. Je l'ignore, mais ce qui est certain, c'est que j'irai jusqu'au pape si tel était le cas.
– N'existe-t-il aucun moyen d'obtenir du roi des explications… après votre jeunesse commune, il a dû vous conserver son amitié ou, à tout le moins, son souvenir.
– Si Philippe avait souhaité me donner des éclaircissements, ils seraient couchés dans ses lignes, rétorqua Artus d'Authon. Quant à l'amitié, Ronan, elle est un des vices des princes. Et je pense que notre roi est dépourvu de celui-ci.
– Vous allez donc obtempérer ?
– Je n'ai nulle autre alternative que de me soumettre à la volonté du roi. D'autant que j'étais et demeure son plus loyal sujet.
Artus détailla l'homme qui avait veillé sur ses jours et ses nuits durant tant d'années. Au décès du fils unique du comte, le petit Gauzelin, Ronan avait été le seul à oser braver la fureur meurtrière de son maître. Il y avait chez ce presque vieillard toute la force et la détermination du dévouement librement offert. Les lèvres pincées, le front baissé, il fixait les lattes du plancher. Il hésitait, retenant encore ses paroles. Monseigneur d'Authon ne lui laissa pas le loisir de les formuler :
– Je sais ce que tu penses. On ne doit de
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