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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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souvenait. Enfant, déjà, il avait surveillé ses allées et venues, s'arrangeant pour la surprendre lorsqu'elle s'y attendait le moins et se pensait hors d'atteinte. L'appréhension qu'il lisait alors dans le beau regard gris bleu le grisait. L'envie de la faire plier à sa volonté, de la forcer à l'aimer s'était empoisonnée d'un désir malsain, si étouffant que pas une nuit il n'avait rêvé de poser la main sur son ventre offert. Au lieu de cela, il avait troussé tant de gueuses ou de catins qu'il en avait perdu le nombre. Il s'était acquitté d'un devoir conjugal, dans le seul but d'avoir un fils, avec une Apolline dont la chair molle le dégoûtait et qui ne semblait capable de produire que des pucelles. La vision du joli visage désespéré de sa défunte épouse s'imposa à lui. Il la chassa. Qu'avait-il à faire d'un remords. Quoi ? Il ne l'avait jamais aimée, supportant à peine sa présence, la rudoyant, la cocufiant jusque dans sa chambre ? La belle affaire ! Elle rejoignait la légion des femmes dont seul le fruit mâle importait.
    La puissante crispation des longues cuisses d'Agnès vêtue de braies lorsqu'il lui enseignait à monter à cru. Il les avait imaginées mille fois enserrant ses reins.
    Il s'était d'abord convaincu qu'elle ne comprenait pas, ne sentait pas. Il s'était convaincu que leurs liens de sang justifiaient à eux seuls l'entêtement avec lequel elle s'appliquait à lui rappeler toujours leur consanguinité. Il l'avait alors entourée de prévenances, la couvrant de présents précieux qui le ruinaient davantage. Et puis, quelques années après le trépas d'Hugues de Souarcy, force lui avait été d'admettre qu'elle le menait quand il avait cru diriger la danse. Elle feignait l'aveuglement afin de le maintenir à distance. Une sorte de détestation s'était mêlée à la convoitise qui ne le lâchait pas. L'envie de détruire, de saccager cette perfection qui se refusait puisqu'il ne lui restait que son pouvoir sur elle. Croyait-il. Même la vengeance s'était refusée à lui. Le plan habilement tramé afin de la terroriser, de ne lui laisser qu'une alternative de salut – lui – avait failli coûter la vie d'Agnès. Des forces qu'Eudes de Larnay n'était jamais parvenu à découvrir l'avaient poussée vers la Question et la mort. Or, si elle mourait, nulle raison ne demeurerait à Eudes de survivre. Pour ce qui était de vivre, il en avait perdu l'appétit depuis longtemps.
    Une bourrasque de fureur chassa l'espèce de geignardise dans laquelle il se complaisait. D'un coup de pied meurtrier, il envoya le guéridon de sa chambre à l'autre bout de la pièce. Le plateau du meuble n'y résista pas et céda dans un claquement sec. Dieu s'était-Il acharné contre lui depuis le début ? Par son mariage, Agnès était devenue sa suzeraine. Il ne pouvait plus l'atteindre. Elle avait offert un fils à Artus d'Authon. Quant à la mine de la Haute-Gravière qu'il faisait parfois surveiller par ses gens, elle dégorgeait de fer.
    Pourquoi ? Lui venait parfois l'insidieuse angoisse que Dieu ait veillé tout exprès sur Agnès afin de le punir d'être né, afin de le prévenir que la suite serait à la hauteur du pire cauchemar.
    Dans le haut miroir biseauté, une hure d'ivrogne soutenait son regard. Et dans ce regard jumeau, il détecta la peur.
    Son poing partit et se fracassa contre la glace. Une ride épaisse fila dans le verre, le fendant dans toute sa largeur. Eudes ne la vit pas. Il détaillait, un sourire aux lèvres, le sang qui gouttait paresseusement de ses articulations.

Maison de l'Inquisition d'Alençon, Perche, septembre 1306
    Agnan se leva précipitamment à l'entrée du seigneur inquisiteur Jacques du Pilais. Il baissa les yeux vers son carnet d'enquête tant le regard bleu blanc le mettait mal à l'aise. On avait le sentiment qu'il vous forait le crâne et déchiffrait vos pensées les plus secrètes.
    – Avez-vous terminé la rédaction des notes, Agnan ?
    – Si fait, seigneur. Euh… Concernant le complément d'enquête demandé au sujet de l'anneau de mariage de monseigneur d'Authon. Sept témoignages ont été apportés par messager. Tous concordent et certifient que, en effet, le comte ne le porta plus dès après le décès de sa première épouse. L'un émane de l'évêque d'Authon. Faut-il convoquer à nouveau maître Richer ainsi que nos frères Robert Ancelin et Foulque de Chandars pour une deuxième confrontation ?
    Jacques du Pilais

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