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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Aussi, je vous l'avoue en franchise, tout en vous suppliant de me pardonner : il est de fait que les échanges que je partage avec madame de Neyrat sont plus… comment le formuler ? Plus…
    – Captivants, distrayants ? proposa la fillette, l'air triste et grave.
    – Non pas… Disons plus appropriés.
    – Certes, je comprends, admit Angélique dans un grand soupir. Avec votre permission, je vais prendre congé, damoiselle. Vous pourrez ainsi reprendre votre lecture en tranquillité. Un jour, sous peu, je saurai aussi bien lire que vous. Quel délice ce doit être.
    – Si fait, approuva Mathilde, que les charmes de la lecture laissaient indifférente.
    Cependant, ainsi que le répétait Madame de Neyrat : « Peu importe, un livre ou un ouvrage d'aiguille donne une contenance à une dame et prouve qu'elle n'est pas qu'une sotte oisive. »

Château d'Authon-du-Perche, Perche, octobre 1306
    Un angoissant pressentiment ne quittait plus Agnès. Grâce aux soins constants que lui prodiguait messire Joseph de Bologne et surtout à l'arrestation de l'enherbeuse, les malaises dont elle avait souffert s'atténuaient. Certes, son médecin l'avait mise en garde : l'intoxication par le plomb, en plus d'être sournoise, est tenace. Toutefois, la vie lui revenait peu à peu, mais l'humeur sombre qui l'habitait et qu'elle avait mise au compte de son délabrement physique quelques jours plus tôt persistait, profitant de la moindre inaction pour l'assaillir.
    Son bien-aimé époux n'était pas rentré de cinq jours. Ce voyage d'affaires s'éternisait bien au-delà des autres. Nul messager n'était venu lui porter de ses nouvelles, message aimant qu'il n'omettait jamais de lui faire parvenir dès que son absence le retenait hors de son domaine plus de deux jours. Monge de Brineux l'évitait avec un soin qui aurait confiné à la discourtoisie si elle n'avait senti que cette discrétion dissimulait quelques déplaisants secrets. Tout juste lui avait-il narré les aveux de Guillette. Agnès n'avait pas cherché à en apprendre davantage. Elle savait. Au fond, la nouvelle offensive de ses ennemis ne l'étonnait guère, même si elle avait prié Dieu chaque soir afin qu'Il les protège tous de la malveillance de leurs adversaires. Quant à Francesco de Leone, il disparaissait parfois, ne rentrant fourbu qu'à la nuit, rejoignant, sans même dîner, la chambrette qu'il avait choisie dans les communs afin de ne pas prêter aux clabaudages en l'absence du comte. Lorsqu'elle le croisait parfois, elle l'interrogeait sans insistance sur ses longues promenades. Il éludait d'un de ses étranges sourires qui étiraient ses yeux bleu profond vers les tempes, lui fournissant alors un bien médiocre prétexte.

    Se rendant compte qu'elle arpentait sa chambre depuis plusieurs minutes à la manière d'un lion en cage, elle s'immobilisa devant le haut guéridon italien. Son cœur s'emballa soudain. Le sang cogna contre ses tempes. Une chape glacée lui enserra le crâne. Étrangement, elle sut qu'il ne s'agissait pas d'une manifestation du poison. Son cerveau se vida et elle dut s'appuyer des paumes sur le guéridon pour ne pas chanceler. Pourtant, elle n'éprouva nulle peur. L'impression d'un puissant souffle dans son cerveau. Madame Clémence de Larnay, qui l'avait élevée et dont elle avait offert le prénom à sa fille aimée. Madame Clémence qui par-delà la tombe l'avait aidée à résister au seigneur inquisiteur Florin.
    – Mon ange, est-ce bien vous, mon bel ange ? s'entendit-elle murmurer, paupières closes.

    Ses souliers s'enfonçaient dans une vase épaisse. Sans doute s'approchaient-ils de la rivière. Un froid humide et malsain la faisait grelotter et l'idée qu'elle allait bientôt se trouver seule, enfermée dans cette pestilence, entamait sa volonté de ne rien laisser transparaître de sa peur. Quelque chose de gluant enserrait soudain sa cheville et elle hurlait. Un garde se ruait vers elle, la tirant sans ménagement, puis assénait sa grosse chaussure à semelle de bois sur une main… Une main ensanglantée qui pendait entre les barreaux d'une des cages. Un gémissement s'élevait. Un murmure se terminait en sanglot :
    –  Madame… il n'est nul salut en ce lieu. Mourez, madame, mourez vite.

    Haletante, elle ouvrit les yeux. La maison de l'Inquisition. Elle se souvint de cette scène, de cette main, de cette voix d'homme. Florin venait de la pousser vers sa geôle. Deux ans plus tôt. La panique

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