Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
grand-salle. Mais d'autres questions retinrent bientôt
mon attention. Assise à la table qui se trouvait en face de l'estrade,
j'observai le drame qui se jouait. Édouard, dont les cheveux blonds étaient à
présent ceints d'une étroite couronne de pierreries, était plongé dans une
profonde conversation avec Gaveston, à sa droite. À sa gauche, Isabelle,
hiératique, regardait la pièce sans la voir, jouant à la perfection le rôle de
l'épouse vulnérable et négligée. Près d'elle, les deux bigotes Marguerite et
Margaret se faisaient passer quelque chose. Elles levaient les mains à
l'unisson comme si elles chantaient un alléluia. Je devinai très vite qu'elles
avaient découvert une nouvelle relique. Les envoyés français avaient été
séparés et installés parmi les barons anglais. Je reconnus le corpulent abbé de
Saint-Germain. Il avait le crâne dégarni et le visage luisant d'un chérubin
obèse. Mais je m'intéressais davantage à mes ennemis, conduits par Marigny,
rouquin aux traits émaciés. Même de ma place je pouvais entrevoir son regard
cynique et le rictus de dérision qui flottait à l'ordinaire sur ses lèvres. Il
y avait aussi les deux démons : Nogaret, le légiste, avec sa figure
bouffie et un sourire constant que démentaient ses lèvres pincées et ses yeux
arrogants ; et, à ses côtés, Plaisians, son alter ego, dont l'air furieux
me rappelait un mastiff avec ses bajoues et son mufle agressif. Je ne
connaissais les autres que de vue. Winchelsea le Prophète, visage maigre, joues
creuses et yeux perçants, était placé près de Lancastre et de Spencer ;
Lincoln, le courtisan aux cheveux blancs, l'air affable, écoutait avec
attention Nogaret et Plaisians. Je vis Marigny se pencher en arrière et claquer
des doigts. Une ombre plus noire que les autres s'avança et remplit le gobelet
de la Vipère. Je reconnus le beau visage mat d'Alexandre de Lisbonne, chef des Noctales .
Vêtu de noir comme un prêtre célébrant un requiem, il servait en outre,
semblait-il, d'échanson à la Vipère. Je souris in petto . Il était clair
que Marigny se défiait de tout un chacun ! Mon regard glissa le long de ma
table pour savoir si Demontaigu avait lui aussi aperçu son ennemi, mais il
était occupé à parler avec un valet. Je m'interrogeai sur la réunion prévue le
lendemain à la chapelle des Pendus.
    — Vous ne
mangez point, madame ?
    Je me retournai.
Agnès d'Albret me souriait. Elle désigna mon écuelle de bouillon d'amandes et
le tranchoir d'argent avec ses lanières de bœuf. Je pris mon couteau niellé
d'argent et en coupai un morceau.
    — Je suis
fort aise d'être près de vous, minauda Agnès, bien décidée à bavarder.
    Elle effleura
les petits boutons rouges qu'elle avait au coin de la bouche. Je lui
recommandai du camphre et du vinaigre mêlés à de l'eau de chélidoine.
    — Lavez-vous
trois fois par jour, dis-je en lui rendant son sourire, et n'usez ni de poudres
ni d'onguents : ils polluent la peau.
    Agnès était
intelligente. Elle prétexta ses petits maux pour me faire évoquer mes
connaissances en médecine, ma vie en France, mon service auprès d'Isabelle.
Chaque fois que je levais les yeux, je constatais que ma maîtresse était
toujours immobile, comme sculptée dans le marbre, tandis que son époux se
divertissait avec Gaveston. On servit les plats de moindre importance. Je
faisais attention à ce que je buvais, tout comme Agnès qui, d'un ton railleur,
s'interrogeait sur les difficultés du roi et sur l'amour qu'il portait à
Gaveston. Je gardai le silence. J'avais compris qu'Agnès était une femme
perspicace et subtile qui, derrière un sourire immuable, savait observer et
évaluer. C'était de plus une érudite : elle pouvait, tout aussi bien,
commenter avec pertinence Tristan et Yseult que faire référence aux
merveilles de l' Opus Majus du frère Bacon et à sa réputation de sorcier.
    Je fus soulagée
quand, juste avant qu'on serve la fromentée, surgirent les bouffons et les
acrobates, ces joculatores , des nains et des naines, qu'appréciaient
Édouard et Gaveston. Ils se mirent à cabrioler, à sauter et à bondir tout
autour de la salle, à siffler, à chanter, et à péter à grand bruit. Ils se
présentèrent sous les noms de Henry l'Égrillard, Matilda Couche-toi-là, Griscot
le Peloteur et Mago le Matou.
    Ces minstrelli  — petits
serviteurs — pouvaient tout se permettre. L'un d'entre eux se percha
sur les épaules de son

Weitere Kostenlose Bücher