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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rudolf Hoess
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    Ce qui me manquait encore c’était la compréhension du vrai
sens de la vie. Cela peut paraître paradoxal : derrière les murs de la
prison, je m’étais mis à le chercher… pour le trouver beaucoup plus tard.
    Habitué depuis mon adolescence à l’obéissance absolue, à la
propreté et à l’ordre méticuleux, je n’éprouvais dans ce domaine aucune
difficulté à me soumettre aux dures exigences de la discipline pénitentiaire.
Je m’appliquais à observer rigoureusement tous les règlements, je maintenais ma
cellule dans un ordre parfait et les plus méchantes langues n’y trouvaient rien
à redire.
    Je m’habituais même à la monotonie déprimante des journées,
tellement différente de mon passé agité et tellement contraire à ma nature
inquiète.
    Au cours des deux premières années, c’était tout un
événement lorsque, tous les trois mois, je recevais une lettre de l’extérieur.
Pendant des journées entières j’étais plongé dans l’attente et j’échafaudais
les hypothèses les plus variées sur le contenu du message. Il m’était expédié
par ma fiancée ou plus exactement par la personne que l’administration
considérait comme telle. En réalité, je n’avais jamais vu cette jeune fille, la
sœur d’un camarade ; je n’avais même jamais entendu parler d’elle. Mais
comme il ne m’était permis d’échanger des lettres qu’avec mes proches, des
camarades m’avaient procuré une « fiancée » pendant que je me
trouvais encore dans la prison de Leipzig. Cette brave fille a fidèlement
poursuivi sa correspondance pendant toutes les années de mon internement ;
elle s’est chargée de toutes mes commissions, elle m’a tenu au courant de tout
ce qui se passait chez mes amis, elle leur communiquait mes réponses.
    Mais il y a une chose à laquelle je n’ai jamais pu m’accoutumer :
les chicanes mesquines et machiavéliques des gardiens ne cessaient de me mettre
en colère, surtout lorsqu’elles étaient voulues et empreintes de méchanceté.
Dans l’ensemble, tous les fonctionnaires supérieurs se montraient toujours
corrects à mon égard, ainsi que la plupart des subalternes. Mais parmi ces
derniers il y en avait trois qui ne partageaient pas mes opinions politiques (c’étaient
des sociaux-démocrates) et qui s’appliquaient à me tourmenter à coups d’épingles :
ils m’auraient fait moins de mal en me rouant de coups. Car chaque prisonnier
tant soit peu sensible souffre beaucoup plus de ces persécutions injustifiées
et les considère bien plus humiliantes que les sévices physiques. J’ai maintes
fois essayé de rester impassible, mais je n’y ai jamais réussi.
    Je ne me formalisais pas des manières grossières de ces
subalternes, natures primitives toujours prêtes à manifester leur pouvoir. Je
ne me formalisais pas de voir ces fonctionnaires bornés exécuter avec
empressement, un sourire aux lèvres, les ordres les plus absurdes. J’acceptais
sans murmurer le comportement vulgaire auquel se complaisaient la plupart des
prisonniers. Mais ce qui me mettait hors de moi, c’était le langage haineux et
ordurier dont se servaient ces prisonniers pour salir tout ce que nous
considérions comme beau et sacré, surtout lorsqu’ils remarquaient que cela
blessait nos sentiments.
    Je ne trouvais une consolation que dans la lecture. J’avais
toujours considéré un bon livre comme le meilleur des compagnons, mais au
milieu de l’agitation de ma vie précédente, je n’avais jamais eu le temps de m’adonner
à des lectures suivies. Maintenant, dans la solitude de ma cellule, surtout
pendant les deux premières années de mon internement, les livres m’étaient
devenus le plus précieux des biens.
    Ayant vécu ces deux années sans incident notable, je devins
soudain nerveux, irrité, agité. Je tombai dans un état maladif. Le travail me
répugnait, alors qu’auparavant, je n’étais nullement rebuté par ma besogne de
tailleur, exécutée dans l’un de nos ateliers. Je ne pouvais plus manger, chaque
bouchée me restait en travers de la gorge. Je ne pouvais plus lire ni
concentrer mes idées. Pendant des heures, je marchais de long en large dans ma
cellule, comme une bête en cage. Le sommeil me fuyait. Tandis que j’avais
toujours joui d’un profond sommeil sans rêves, je me réveillais maintenant en
proie à l’agitation et me remettais à marcher. Lorsque je retombais tout épuisé
sur ma couche, pour m’endormir enfin,

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