Le commandant d'Auschwitz parle
grande ville et me retirer à la campagne. Au bout d’une
dizaine de jours, ayant trouvé une place d’employé agricole, je mettais mon
projet à exécution. J’aurais pu accepter de nombreuses invitations et
bénéficier de vacances plus prolongées, mais je voulais travailler : le
repos forcé n’avait duré que trop longtemps.
Des camarades et des familles amies avaient élaboré pour moi
les projets les plus divers. Ils voulaient tous assurer mon existence et
faciliter mon passage à la vie normale. On me proposait de partir pour l’Afrique
orientale, le Mexique, le Brésil, le Paraguay, les États-Unis, toujours dans la
bonne intention de m’éloigner d’une Allemagne où je pouvais me laisser
entraîner dans les luttes politiques de l’extrême droite.
Il y en avait d’autres, en particulier mes anciens camarades
des corps francs, qui voulaient à tout prix m’enrôler dans les premiers rangs
des organisations de combat, formées par le parti national-socialiste.
J’opposai un refus aux uns comme aux autres. Certes, j’étais
déjà, depuis 1922, membre du parti et j’approuvais entièrement son programme ;
mais le ton avec lequel il exerçait sa propagande en briguant la faveur des
masses, en flattant leurs instincts les plus bas, me déplaisait carrément.
Entre 1918 et 1923, j’avais suffisamment appris à connaître les « masses ».
J’étais prêt à rester membre du parti mais sans y assumer de fonction et sans
adhérer à l’une des organisations subalternes. Mes projets étaient d’un ordre
tout différent. J’étais tout aussi réfractaire à un départ pour l’étranger. Je
voulais rester en Allemagne et contribuer à la reconstitution de mon pays. J’avais
en vue un travail de longue haleine, visant un but éloigné : la
colonisation des campagnes.
Pendant les longues années de mon isolement dans une cellule
de prison, j’avais compris qu’il y avait une seule tâche susceptible de m’attirer :
la création de fermes indépendantes, capables de nourrir et d’assurer une
existence saine à une famille entière. Ce projet représentait désormais le but
de mon existence.
À peine libéré du pénitencier, j’avais repris contact avec
les « artamanes ». C’était une communauté de garçons et de jeunes
filles, conscients de leur race, que j’avais appris à connaître par leurs
brochures pendant mon séjour en prison. Leur intention était de retrouver l’accès
à une vie saine, laborieuse, une vie à la campagne en laissant derrière eux l’atmosphère
superficielle et dissolvante des grandes villes. Ils renonçaient à l’alcool et
au tabac, à tout ce qui serait susceptible d’exercer de mauvaises influences
sur le corps ou l’esprit. En rivant leur existence à la terre de leurs
ancêtres, ils voulaient retourner à la source vitale de la nation allemande,
une vie paysanne saine et bien équilibrée. Leur programme me traçait mon but,
ce but que j’avais vainement cherché pendant si longtemps.
J’abandonnai donc mon poste d’employé agricole et je me
rangeai dans la communauté de ceux qui pensaient comme moi. Je rompis toutes
relations avec mes anciens camarades, avec les familles amies, en m’apercevant
qu’ils étaient incapables de comprendre ma décision, si contraire à leurs idées
traditionnelles : je voulais commencer ma nouvelle vie sans être entravé
par qui que ce soit.
Dès les premiers jours, je rencontrais celle qui allait
devenir ma femme : animée du même idéal, elle aussi s’était engagée, en
compagnie de son frère, sur le chemin qui m’avait conduit vers les « artamanes ».
Il nous avait suffi de nous voir pour sentir que nous nous appartenions à tout
jamais. Nous nous comprenions comme si nous nous étions connus depuis notre
enfance. Notre attitude à l’égard de la vie était exactement la même ;
nous nous complétions sous tous les rapports et notre confiance mutuelle n’avait
pas de limites.
J’avais trouvé la femme dont j’avais rêvé pendant mes
longues années de solitude. Notre harmonie complète allait subsister pendant
toutes les années de notre vie commune. Elle subsiste encore aujourd’hui malgré
toutes les vicissitudes de notre existence, malgré toutes les influences
extérieures, à travers les jours de bonheur et de malheur. Le seul chagrin que
je lui aie causé c’est que je n’ai jamais été capable de lui dévoiler mes
pensées les plus intimes : j’ai toujours tenu à
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