Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
manquait d'expérience. Lieutenant au très élégant régiment de la Reine-Dragons, le vicomte de Froidfond avait accepté de servir aux Opérations Spéciales avec un grade inférieur au sien car telle était la règle. Mais la chose valait aussi en l'autre sens, et un major quittant l'escadron de Bamberg, par exemple, eût aussitôt été accueilli ailleurs avec le grade de colonel.
    Comme le craignait le duc, le sergent de Froidfond s'acclimatait fort mal aux horreurs de cette guerre. Ailleurs, chez les poètes, les petits marquis déguisés en colonel entre dentelles aux poignets et épées forgées à Tolède, on prétendait souvent, la connaissant à peine, que la guerre est fort jolie chose et vous trempe l'âme, mais Bamberg avait reçu Froidfond avec un discours où la vérité s'accompagnait de rudesse :
    — Monsieur, la guerre est une abomination, sa fin dernière est de tuer, tuer beaucoup et vite pour qu'elle finisse tôt. Elle ne vous trempe point l'âme ainsi qu'on le dit mais la souille à jamais, l'enveloppant d'un parfum délétère qui certains soirs nous étouffe au point que de très bons soldats s'en vont se pendre, solitaires, au coin d'un bois. Aux Opérations Spéciales, car on attend beaucoup de nous, elle peut paraître plus abjecte encore. Nous autres, nobles sans fortune, nous sommes soldats car on nous y a préparés depuis l'enfance et que nous ne savons rien faire d'autre mais de vous à moi, j'ai plus d'estime pour le plus humble des paysans dont les moissons nourrissent les peuples que pour le plus grand des généraux aux mains couvertes de sang. Voulez-vous toujours servir sous mes ordres ?
    Lourde erreur. En cette rare circonstance Bamberg manquait de lucidité en ne voyant pas que c'est par ce discours qu'il croyait répulsif qu'il attirait tous ces jeunes gens fascinés par autant de franchise et de sincérité, qui n'étaient point la marque de leur milieu.
    Froidfond observait le baron de Sereni. Cet homme était un excellent tacticien et un historien de l'armée de grande valeur mais c'était aussi un officier chevronné qui ne se posait plus de questions lorsque l'instant de l'action se présentait.
    S'approchant d'une sentinelle, aussi silencieux qu'un loup sur un tapis de neige, il l'attrapa brutalement par les cheveux, lui tira la tête en arrière pour découvrir la gorge... L'éclat fugitif d'une lame, un geyser de sang et Sereni accompagnant la chute du corps presque avec compassion, sans trace de la moindre haine.
    Silencieusement, Froidfond, qui se tenait accroupi près de Bamberg en la même position, vomit longuement de la bile. Puis, s'essuyant les lèvres d'un revers de sa tunique sale et trouée :
    — Pardon, général... pardon! chuchota-t-il.
    Bamberg répondit dans un murmure :
    — Nous en sommes tous passés par là et c'est le contraire qui m'eût inquiété. Restez près de moi, Froidfond, et je vous sortirai de cet enfer.
    Les éléments les plus avancés des Opérations Spéciales atteignaient la rivière. Il était temps de rameuter les échelons arrière et Bamberg envoya des messagers afin qu'on amène la douzaine de chevaux survivants - sur cent trente ! - et les gardes-françaises. Puis il s'approcha de la rivière et la contempla avec inquiétude.
    Noire, violente, rapide, elle charriait de gros blocs de glace et nombre d'épaves, dont d'énormes arbres arrachés aux berges. À la vitesse où le courant les emportait, n'importe lequel de ces troncs heurtant une tête la ferait éclater comme un melon. Déjà, sur l'étroite berge, troupes, chevaux et blessés allongés dans la boue s'entassaient en grand danger car quelques boulets bien ajustés eussent suffi pour causer un carnage en ce rassemblement.
    Ne souhaitant pas prolonger davantage cette situation périlleuse, Bamberg allait donner l'ordre de mise à l'eau lorsque l'exceptionnelle finesse de son oreille l'en dissuada au tout dernier instant :
    — À couvert ! ordonna-t-il à mi-voix.
    Avec un ordre remarquable, on chercha l'abri de bosquets tandis que le général, usant du privilège qui lui permettait de voir sans être vu, et en tout cas bien avant et bien plus loin que les autres, scruta la rivière enténébrée.
    Longeant la berge, un cavalier remontait le courant, très à la peine, progressant à une allure fort réduite. Le cheval qu'il montait était extraordinairement puissant, un torse imposant et très bon nageur, ainsi qu'on avait dû le choisir à dessein.
    En cet

Weitere Kostenlose Bücher