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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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là des meilleures bouteilles de bordeaux du château et l'on y fit grandement honneur, même le général pourtant connu tel un éternel buveur d'eau.
    Worden, une cuisse de poulet à la main, regarda le plafond avec extase :
    — Hier, nous n'avons pas pu souper avec les gens de police, nous avons eu froid, tout était compté... Aujourd'hui, tandis que dehors il n'est que vent glacé et neige, nous faisons un festin de roi et dormirons bien au chaud entre des draps blancs. Foutre-Dieu, que la vie est belle, et incertaine comme la fidélité d'une femme !
    — Et que dire des hommes ! protesta Marie-Thérèse.
    — Elle a mille fois raison ! lança Bamberg d'un air sombre, ayant quelques motifs pour cela.
    Mais cette ombre fut très passagère car Bamberg regarda ses amis et celle qui remplaça sa mère avec un réel agrément. Ainsi était sa nature : son bonheur venait du bonheur des autres, et plus encore lorsqu'il en était la cause directe. Certes, chez lui la joie n'étouffait pas la conscience et le souvenir des victimes des teutoniques demeurait très présent. Mais en cet instant, il n'était pas loin de comparer l'homme, et la femme, à une forteresse assiégée. En ce cas, on se défend de l'ennemi par des tirs d'artillerie ou des feux de salve; en l'exemple de l'homme on fait appel aux forces de la vie pour obliger le malheur à lever le siège et à battre en retraite.
    Cette réaction de sauvegarde ne cessait pas de l'étonner et de l'émerveiller tout à la fois : traqué par le malheur, l'homme sait d'instinct où se trouve le contre-poison et ce remède, le bonheur, indique clairement pour les siècles à venir la voie à suivre.
    De la salle d'armes arrivaient les voix joyeuses des dragons qui se trouvaient à la fête.
    À table, Marie-Thérèse qui ne dédaignait jamais un verre de bon vin somnolait et les trois hommes décidèrent de la mettre au lit.
    Bientôt, la prenant une nouvelle fois en ses bras comme elle l'avait si souvent tenu lorsqu'il était enfant, le général monta la vieille femme dans sa chambre tandis que Clément passait la bassinoire dans les draps et qu'Hugo ajoutait des bûches en la cheminée.
    D'une voix mal assurée, Marie-Thérèse protesta qu'elle n'avait point à être mise au lit et bordée par des gentilshommes mais dès qu'on lui remonta le drap jusqu'au menton, des ronflements sonores l'emportèrent.
    Redescendus, les officiers décidèrent de boire une dernière bouteille tandis que Scrub traînait vers la cheminée un ventre inhabituellement arrondi en raison de la chair de poulet.
    En moins de dix minutes, le regard un peu perdu, Bamberg révéla à ses amis l'existence de la baronne Marion de Neuville, expliqua comment il pensait l'avoir trahie avec Mme d'Ey et s'ouvrit à eux de son projet de tout révéler à celle qu'il aimait.
    Les deux officiers protestèrent aussitôt, Clément le tout premier, et avec quelle véhémence :
    — Jamais!... Morbleu: jamais!... N'avoue jamais de ton plein gré. Et confronté à l'évidence, nie ! Dis que le ciel est bleu même si tous le voient noir !
    Hugo partageait cet avis mais l'exprima avec davantage de modération :
    — Même si elle t'en est reconnaissante sur l'instant, et même en toute bonne foi et sans calcul, il n'est pas impossible qu'un jour, dans un instant de colère, elle ne te le reproche. Ne regretteras-tu pas alors ta franchise passée ?
    ***
    Allongé tout habillé sur son lit, pas même débotté, Bamberg se sentait très seul au monde. Ses deux meilleurs amis ne le comprenaient pas. Mais doit-on attendre de ses amis, et pareillement de la femme qu'on aime, qu'elle partage vos avis en toute chose ?
    Bamberg soupira, se leva, tira à demi les rideaux, ôta ses bottes puis se déshabilla. Il souffla la bougie et se coucha entre les draps froids.
    Il croisa les mains derrière la nuque puis songea qu'il partirait tôt le lendemain pour Versailles. Il ne voyait pas comment il pouvait éviter d'aller remercier le roi de ses bontés.
    Ceci fait, il partirait pour la terrible guerre des Flandres mais n'étant point certain d'en revenir vivant, il songea que sauf à abdiquer sa qualité de gentilhomme, il se devait d'aller rencontrer Marion de Neuville qu'il avait si honteusement trahie.
    — Trahie ? répéta-t-il en la chambre éclairée par la lueur de la lune et celle des braises.
    Il se reprocha ce court instant de faiblesse. Certes, un lâche eût été fondé à se dissimuler derrière le fait

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