Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
route pour qu’elle ne se perde pas. Elle marcha
allègrement, remerciant la vie de lui avoir offert un si merveilleux accueil
dans son pays d’adoption. Elle respira profondément, presque étourdie par les
parfums qu’exhalaient les sous-bois que la neige avait fini d’étouffer. Blanche
sourit aux ombres et aux sons . On lui avait
dit que chaque fois qu’elle mettrait les pieds dehors elle serait épiée par
quelque animal invisible. Elle essaya d’entendre des souffles qui auraient pu
trahir une présence imperceptible. Elle n’entendit que le sien, régulier,
profond, plein de plaisir. Elle vit une essoucheuse, abandonnée pour la nuit.
Elle posa sa trousse et s’y assit, question de retarder son retour, question de
s’arrêter pour se moucher de toute l’émotion qu’elle ressentait et qu’elle
trouvait trop grande pour comprendre.
    Elle ne vit pas la lune pâlir de timidité
devant l’agressivité du soleil. Elle se secoua de sa torpeur lorsqu’elle
aperçut les reflets du ciel bleu et des nuages dans une immense mare
entièrement créée par la fonte printanière. Au lieu de lever la tête, comme
elle l’avait si souvent fait, pour imaginer des personnages dans les formes des
nuages, elle les regarda dans l’eau. Il lui sembla que ce reflet ressemblait à
une fumée blanche qui s’agitait au-dessus de vaguelettes frissonnantes sous le
vent frisquet du matin.
    Elle ramassa sa trousse et la caressa comme si
elle avait caressé une personne à la peau fraîche. Elle reprit la route,
écoutant maintenant les cailloux crier sous son poids. Elle eut presque envie
de marcher sur la pointe des pieds pour leur éviter cette souffrance. Elle
aperçut enfin le fanal encore allumé de son dispensaire et sourit. Villebois.
Le dispensaire de Villebois et sa première infirmière qui rentrait de sa première
nuit de travail. Nuit durant laquelle elle avait été témoin de la naissance de
trois vies : celle des jumeaux et la sienne.
     

4 6
     
    Le printemps était arrivé en mars, avait fui
en avril pour mieux envahir le sol de mai. Blanche ne savait plus où donner de
la tête dans cet incessant tourbillon de saisons. Maintenant que la neige semblait
promettre un départ certain, Blanche était perpétuellement assaillie par des
mouches de toutes sortes, toutes plus impatientes les unes que les autres de
mordre le nacré de sa peau. Leur voracité la défigurait, l’empêchait de dormir,
lui enlevait même le goût de sortir de la maison pour aller au chevet des
patients. Elle se couvrait la tête d’un foulard léger et marchait en agitant un
bras devant elle comme si ce geste de résistance pouvait effrayer ses
bourreaux. Elle se grattait la tête à travers des boucles défraîchies et
enduites de sang. Elle endura ce martyre pendant trois semaines avant de réellement
s’enrager et de partir en direction de la Cache.
    – Je voudrais acheter un cheval. Est-ce
que vous savez si quelqu’un en a un à vendre ?
    – Ça devrait pas être trop difficile à
trouver. Mais pourquoi est-ce que vous voulez ça ?
    – Parce que je me dis que les mouches
vont avoir moins de temps pour me manger. Sans parler qu’avec un peu de chance
le cheval va les éloigner avec sa queue.
    Elle s’acheta donc un cheval qu’elle baptisa
Ti-Zoune. Elle le logea dans le petit bât iment
construit derrière sa maison, près du puits.
    – Pensez-vous qu’il va avoir assez de
chaleur en hiver ?
    – Non. Je pense que vous allez être
obligée de le mettre en pension. Il se fera pas assez de chaleur.
    – C’est pas plus grave que ça. En hiver,
j’aurai pas à me débattre contre les moustiques. Le froid est quasiment moins
mordant.
    Elle avait ri de son jeu de mots.
Contrairement à sa mère, elle n’avait jamais su jumeler les mots pour les
rendre plus drôles. Mais cette fois elle avait réussi et elle se promit de
continuer.
    Blanche alla seule chercher son cheval et le
ramena jusque chez elle, le tenant par la bride. La bête n’avait pas l’allure
des chevaux de son oncle Edmond mais elle lui était sympathique et Blanche se
promit de semer quelques grains de carotte supplémentaires pour pouvoir la
gâter. Son cheval lui parut ridicule quand elle ne trouva aucune calèche à
vendre dans tout le canton. Elle écrivit à Émilien pour lui demander de
chercher à La Sarre et reçut une réponse
négative. En revanche, son frère lui proposait de se faire faire une sloop. Elle
ignorait en quoi consistait

Weitere Kostenlose Bücher