Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
la sloop mais en fit quand même la demande.
Deux hommes apparurent donc chez elle un matin, traînant cinq arbres. Elle les
regarda travailler. Ils mirent deux troncs en parallèle sur le sol pour ensuite
y clouer des rondins transversaux, tous de la même longueur.
    – Auriez-vous de la paille, garde ?
    Blanche partit à la hâte voler un peu de
paille dans le bât iment de son cheval.
    – Amenez aussi vot’bête. Avec la bride
pis tout. On va essayer.
    Ils déposèrent la paille au centre de la sloop et la façonnèrent en une espèce de coussin. Ils invitèrent Blanche à s’y
asseoir dès que la bête fut attelée.
    – Vous savez comment mener ça ?
    – Oui.
    Elle cria un discret « Hue ! »,
gênée à l’idée que ses voisins l’entendaient, et la bête se mit en marche. Elle
quitta son pas pour aussitôt trotter et Blanche força désespérément pour la
retenir de galoper. La bête, apparemment, manquait d’exercice. Elle la fit
tourner et revenir à leur point de départ, essayant de sourire aux hommes qui
riaient aux éclats. Pendant quelques secondes, elle refusa de penser qu’ils
riaient de sa maladresse.
    – Pis, garde ? Est-ce que votre
arrière-train est encore en un morceau ?
    Elle grimaça en se levant, se frotta les fesses pour leur donner raison, s’aperçut que sa
robe était déchirée et s’empourpra. Depuis son arrivée, elle ne cessait
d’abîmer ses vêtements, qui s’accrochaient tantôt à une branche, tantôt à une
chaise mal poncée, tantôt à un clou et maintenant à sa sloop. Elle
remonta aussitôt sur son coussin de paille.
    – Je m’en vas à la Cache.
    – Tout de suite ?
    – Oui. Est-ce que vous savez qui, ici,
pourrait me couper les cheveux ?
    – Le frère de M. Mercier. Au bureau
de poste de la Cache.
    Blanche attacha soigneusement son cheval, se
gratta la tête encore une fois et entra au magasin. Elle en ressortit une heure
plus tard, saluant poliment ceux et celles qui la regardaient passer, les yeux
exorbités, la bouche grande ouverte.
    Elle revint chez elle et se précipita devant
le miroir, tiraillée entre le rire et les larmes, se demandant si elle avait
bien fait. Tout ce qui lui était maintenant familier était son regard. Et
encore elle le trouvait moins fuyant. Elle avait les cheveux coupés droits sous
les oreilles, la raie au centre. La seule fois qu’elle avait eu les cheveux
aussi courts, c’était au pensionnat, à son retour de Shawinigan, lorsque les
religieuses avaient littéralement tondu toutes les élèves à cause d’une épidémie
de poux.
    « Vous êtes sûre, garde, que vous voulez
que je les coupe comme ça ?
    – Certaine. Les moustiques vont avoir
moins de place pour se cacher. S’il faut raser à l’arrière, dans le cou,
faites-le. Ça me dérange pas. »
    Elle regarda ensuite le nœud de cravate
qu’elle avait finalement réussi après une douzaine de tentatives. Le col de la
chemise aurait dû être plus serré mais elle n’en fit pas de cas. Elle tira une
chaise près du miroir et y monta. Elle regarda ses breeches et sourit.
Elle les porterait jusqu’à ce qu’elle trouve une couturière qui lui en ferait
quelques paires avec le fermoir sur le côté.
    Elle redescendit de sa chaise et examina
attentivement ses bottes . Elle avait pris la
plus petite paire et avait été forcée d’y ajouter une fausse semelle.
Maintenant qu’elle était protégée jusqu’aux genoux, elle n’aurait plus ni
piqûres ni éraflures sur les jambes. Elle mit un énorme chandail de laine
par-dessus la chemise et le boutonna. Elle alla ensuite dans son bureau
chercher sa trousse médicale et scruta son reflet dans la fenêtre. Elle se
mordit un ongle, incertaine de ce qu’elle ressentait. Infirmière ou
médecin ? Elle entendit des pas secouer l’escalier et ne chercha pas la
réponse.
    – Mon Dieu ! Qu’est-ce qui vous est
arrivé, garde ? Vous avez l’air d’être votre propre jeune frère !
    – C’est moi. J’en avais assez de me faire
manger tout rond pis de déchirer mes jupes. J’ai pensé que je serais plus
confortable comme ça.
    – C’est qu’on a jamais vu ça, une femme
en culottes.
    – Moi non plus. Vous me direz à quoi ça
ressemble.
    Encore une fois, elle rit. Elle avait vraiment
le cœur aussi léger que l’air qu’elle respirait.
    Son premier été fut pénible. De nouveaux
colons arrivaient à chaque jour et sa clientèle tripla en un temps record. La
seule chose

Weitere Kostenlose Bücher