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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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un tramway qui aura jamais de problèmes d’électricité.
Est-ce que tu veux essayer ?
    – Non, madame.
    Blanche remercia et paya ses voisins et
annonça à Jeanne qu’elle irait visiter Paul.
    – On l’a pas vu depuis deux semaines. Je
suis certaine qu’il doit encore avoir une grippe ou de la fièvre. C’est pas lui
qui va me faire demander.
    Jeanne approuva et Blanche partit, bien assise
sur son traîneau, dirigeant adroitement deux chiens qui semblaient avoir
compris ce qu’elle attendait d’eux.
    – Garde ! Justement, mon mari se
préparait à aller vous chercher. Votre frère en arrache.
    Blanche n’écouta pas M me  Mercier
lui décrire les malaises de Paul. Elle les connaissait déjà. Maintenant, il lui
faudrait prendre une décision professionnelle et ne pas s’en laisser distraire
par les arguments de son frère. Elle entra dans sa chambre et Paul se tourna
dans le lit pour voir qui venait d’entrer.
    – Oh ! C’est toi, Blanche.
    – Non, c’est pas moi, Paul. C’est garde
Pronovost qui est ici.
    Au ton qu’elle avait utilisé, la sensibilité
de Paul monta d’un cran. Il abandonna sa tête sur l’oreiller et bloqua ses
mâchoires. Blanche s’approcha de lui en priant désespérément. Elle sortit son
thermomètre et força son frère à ouvrir la bouche. Paul ne résista presque pas.
Elle voulut le découvrir pour l’ausculter mais Paul cracha le thermomètre.
    – Laisse faire. Je veux pas que tu
enlèves la couverture. Je vais avoir trop froid.
    Blanche inspira profondément, regarda son
frère bien en face et décida de ne pas le ménager .
Elle n’en avait plus le temps.
    – Paul, j’ai un nez. En rentrant dans ta
chambre, j’ai senti que ta nuit avait été troublée par des intestins qui
obéissent à rien. J’en ai vu d’autres. J’ai aussi senti que ta jambe est en
train de te lâcher. Ça fait qu’oublie que je suis ta sœur pis vois-moi comme
une garde-malade privée.
    Paul ferma les yeux pour cacher son
humiliation. Blanche leva la couverture et voulut se gronder de ne pas être
intervenue plus tôt. Paul baignait dans ses excréments. Elle commença par le
laver dès qu’elle eut la confirmation qu’il faisait une fièvre épouvantable.
Paul gémissait comme un enfant. Blanche ne s’en formalisa pas, espérant que ces
petits pleurs lui enlevaient une partie de la douleur physique qu’il ressentait
certainement. Elle l’ausculta, d’abord sur la poitrine puis aux chevilles. Elle
n’entendait aucune circulation dans sa jambe noircie, presque en état de
putréfaction.
    – Tu as toujours suivi ta diète ?
    – Religieusement. Mais ça c’est facile.
Ce maudit diabète là m’aide dans mes vœux de célibat. Même si je voulais…
    Il ne termina pas sa phrase et Blanche lui fut
reconnaissante de l’avoir informée qu’il était déjà impuissant. Il avait eu
vingt-sept ans le 1 er novembre.
Elle palpa sa cheville pour la forme. La couleur et les ulcères de la peau lui
indiquaient clairement que la gangrène avait commencé son travail.
    – Je fais ta valise, Paul. Tu rentres à
Montréal.
    – Pas question. Dans un jour ou deux, je
devrais être mieux. J’ai pas fini mon inventaire. Je dois avoir une livraison…
    – Tu pars pour Montréal ! Un point
c’est tout. Tu restes pas ici une minute de plus. Je t’emmène au dispensaire,
pis demain on descend à La Sarre. J’vas aller
avec toi. J’ai pas besoin de parler au docteur d’Amos. J’vas m’occuper moi-même
de ton admission à Notre-Dame.
    – Non. Je reste ici.
    Blanche ne l’écoutait plus. Déjà elle avait
ouvert sa valise et commençait à y placer ses vêtements. Paul se souleva sur
ses coudes et la regarda bien en face, essayant de la voir aussi bien que ses
yeux affaiblis le lui permettaient.
    – Pour mourir ? Tu veux que j’aille
à Montréal pour mourir ? J’aime mieux mourir ici. Au moins, je suis pas tout
seul.
    – Tu vas pas mourir. C’est en restant ici
que tu vas mourir. Là-bas, on va t’opérer. Ici, on peut rien faire.
    Paul se laissa retomber et Blanche l’entendit
retenir des sanglots de désespoir, qui faisaient écho aux siens qu’elle forçait
d’être silencieux.
    – On va me couper la jambe ? C’est
pour ça que tu m’envoies ? Tu m’envoies à la boucherie, Blanche. J’ai pas
envie de vivre en éclopé.
    Il cria sa dernière phrase.
    – Tu veux faire mourir ton propre frère,
Blanche !
    – Non. Je veux le faire vivre !

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