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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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côté de son frère. À peine avaient-ils
pris le chemin d e La Sarre qu’ils aperçurent
la chenille de M. Simard. Blanche lui fit des signes désespérés avec son
châle rouge et M. Simard s’arrêta.
    – Vous pouvez me conduire à La Sarre ? J’ai une urgence.
    M. Simard rebroussa chemin sans dire un
mot. Il avait fait le voyage pour apporter des provisions et le courrier. Les
gens de Villebois pouvaient attendre une journée. Paul arriva donc à La Sarre à deux heures, à temps pour prendre le
train de quatre heures. Émilien et Alice, que Blanche avait demandés, tinrent
compagnie à leur frère pendant que Blanche téléphonait au médecin d’Amos.
    – Quand le train va entrer à Amos,
docteur, il va falloir que mon frère reçoive une autre injection de
pénicilline… Pardon ? Je sais que j’ai pris un risque mais j’avais pas le
choix. C’était ça ou le coma. Déjà ses pupilles… Pardon ? Non. Il faut
qu’il aille à Montréal. Si sa jambe est pas amputée, la gangrène va se
propager… Non, docteur. C’est pas que je vous fais pas confiance. C’est juste
qu’à Montréal… Vous comprenez ? Je vous remercie. Vous allez être
là ? Merci encore.
    Elle raccrocha et demanda à la téléphoniste de
la mettre en contact avec le presbytère de Saint-Stanislas.
    – Monsieur le curé, s’il vous plaît.
C’est vous ? Je suis la fille de M me …
    Elle hésita, se demandant si sa mère se
faisait appeler Pronovost.
    –… de
M me  Émilie Bordeleau-Pronovost, la sœur de Napoléon Bordeleau
qui habite… Vous la connaissez ? Tant mieux. Est-ce que vous pourriez me
dire si sa maison est proche du presbytère ? À deux rues ? Est-ce que
vous pourriez envoyer quelqu’un la chercher pis lui demander d’appeler sa fille
Blanche immédiatement ? Le numéro est le suivant…
    Elle fit un troisième appel.
    – Oui, s’il vous plaît, est-ce que le
docteur Pierre Beaudry est de garde ? Oui, j’attends, mais faites ça le
plus vite possible. J’appelle d’Abitibi… Merci… Pierre ? C’est Blanche. Je
t’envoie mon frère. D’après moi, il va falloir qu’il se fasse opérer en
arrivant. Une amputation. Oui, c’est ça. Est-ce que tu peux voir à ce qu’une
ambulance de l’hôpital l’attende à la gare demain matin à huit heures ? Il
part à quatre heures. Je te donne mon adresse pour la facture. Pierre ?
Est-ce que tu peux me rendre un autre service ?
    Blanche lui demanda de communiquer avec
Napoléon pour qu’il soit au chevet de son ancien collègue. Dès qu’elle eut
raccroché, le téléphone sonna.
    – Blanche ? C’est moman. Qu’est-ce
qui se passe ?
    Blanche expliqua rapidement la situation à sa
mère qui promit, la voix brisée, de se rendre à Montréal. Elle raccrocha et
Blanche ignora qu’elle demanda aussitôt à son frère de la conduire à
Hervey-Jonction pour qu’elle puisse faire la dernière partie du trajet avec son
fils.
    – Il fait déjà noir, Émilie. Le train
sera pas là avant menuit ou une heure. La neige tombe pis les routes
sont glacées…
    En 1915, je suis déjà venue de Saint-Tite à
ici, en machine, pour les funérailles de papa. C’était pire qu’aujourd’hui. Mon
fils se meurt, pis je veux être avec lui. Si tu veux pas me conduire, dis-moi à
qui demander.
    Pendant que le train glissait sur la voie,
Émilie s’essuyait les yeux en regardant sa montre sans arrêt, craignant de
rater son train. Elle arriva à l’heure malgré deux dérapages spectaculaires et
trouva aussitôt le corps décharné de celui qui avait si longtemps incarné la
puissance de l’intelligence. Blanche, elle, était rentrée à Villebois, épuisée
physiquement et nerveusement. Elle était montée à sa chambre, avait vainement
essayé de s’endormir. Elle s’était relevée, avait mis son manteau et ses bottes et était sortie pour mêler son trouble à
celui de la tempête. Elle marchait en direction du bois lorsque Castor la
rejoignit en bondissant de plaisir. Elle lui flatta le dessus de la tête
distraitement, trop occupée à se cacher à elle-même les sanglots qui
l’agitaient.
    – Oh ! Castor !
    Elle se laissa tomber dans la neige et
n’empêcha pas Castor de lui lécher les larmes.
    – Tu peux pas comprendre, mon Castor.
Paul m’a dit que jamais il me pardonnerait ma décision de le faire amputer.
Paul veut mourir, Castor.
    Elle hoquetait dans l’immense gouffre de sa
peine.
    – C’est pas juste. J’ai

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