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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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monde s’était rassemblé près de la Tite qui, Blanche le
comprit, se mourait. Sa mère, toujours à genoux, lui flattait la crinière en
lui parlant doucement. Blanche sentit les larmes lui monter aux yeux. Pas tant
parce que la jument de sa mère se mourait mais parce que sa mère la caressait
comme elle n’avait pas eu le temps de les caresser depuis qu’elles étaient
rentrées du couvent. Personne ne parlait. Les flancs de la jument se gonflaient
comme un ballon puis s’affaissaient en faisant un bruit que Blanche n’aima pas.
    – Allez donc marcher un peu, les enfants.
On va vous appeler quand on va être prêts à partir.
    C’était son oncle Ovide qui avait parlé et
elle s’était empressée de prendre Rolande par la main et de demander à Jeanne
et à Alice de la suivre. Elles s’étaient éloignées assez pour ne plus entendre
leur mère. Elle avait vu son oncle Edmond partir en automobile pour aller chez
le voisin, un M. Gélinas. Elle avait installé ses sœurs au pied d’un arbre
pour leur raconter une histoire. Elle avait vu l’automobile de son oncle
revenir, puis elle avait entendu sa mère crier « Non ! » avant
d’entendre un coup de feu. Son oncle Ovide était venu les chercher et elles
étaient parties pour Saint-Tite. Sa mère lui avait confié Rolande, lui disant
qu’elle les rejoindrait le plus vite possible. Ils étaient tous arrivés au
Bourdais et Émilien les attendait, assis sur la galerie de l’école. Ses oncles
avaient entré les meubles et tout le bagage puis Ti-Ton les avait tous conduits
chez lui. Edmond était reparti avec un cheval attaché derrière son automobile
et une pelle.

1 2
     
    Émilie n’avait pas voulu qu’Edmond tue sa
jument, préférant la voir mourir doucement dans ses bras. Mais sa jument
agonisait et Edmond détestait voir souffrir un cheval. Elle avait à peine eu le
temps d’apercevoir la crosse du fusil que sa Tite était morte. Elle n’avait pas
pu lui faire les adieux qu’elle aurait voulu. Elle n’avait pas pu continuer à
lui caresser la crinière. Elle s’était contentée de leur demander de la laisser
seule. Edmond l’avait regardée comme si elle perdait un peu la tête. Mais il ne
pouvait pas savoir. Avec Ovila, elle avait assisté à la saillie de la belle
pouliche de son père. L’étalon Pronovost et la jument Bordeleau, avait-elle
alors pensé. Et Ovila lui avait serré doucement le cou. Berthe était là aussi.
Berthe…
    Quand les enfants et ses beaux-frères l’eurent
quittée, elle recommença à caresser la crinière de sa jument en lui parlant
doucement. Puis elle décida de lui enlever son attelage, étonnée de voir
combien la tête d’un cheval était lourde. Elle s’assit dans sa calèche,
regardant le cadavre de sa Tite, puis fouilla dans une des boîtes pour en sortir
des ciseaux. Elle s’approcha de sa bête et entreprit de lui couper la crinière.
Une crinière dorée comme celle de l’étalon de son père. Elle consacra plusieurs
minutes à son travail puis prit les crins et les enfouit dans son sac à main.
    Émilie vit s’approcher la voiture d’Edmond. Il
s’arrêta et lui demanda de l’aider à atteler le cheval. Émilie le fit seule,
préférant qu’Edmond commence à creuser la fosse pour sa Tite. Edmond regarda le
cou de la bête, hocha la tête, davantage d’incrédulité que de surprise, puis
lança à Émilie :
    – Je te l’avais dit que la calèche était
trop chargée pour ta vieille jument !
    Émilie arrêta net d’atteler son cheval et se
tourna vers son beau-frère, cramoisie, furieuse, blessée.
    – Veux-tu dire que c’est moi qui l’a
tuée ? Penses-tu que j’aurais tué ma Tite ?
    – Oublie ça, Émilie. J’ai rien dit.
    Émilie écoutait les sons du Bourdais. Ils n’étaient pas tout à fait identiques à ceux qu’elle avait
connus dans sa première école, mais ils s’en approchaient. Tout ce qu’il y
avait de fort différent était la présence de plusieurs automobiles. Elle
repensait à cette journée qui venait de se terminer et à celles qui
commenceraient bientôt. Elle avait pris la résolution de rapatrier ses enfants.
Maintenant qu’elle était de retour à Saint-Tite, il n’y avait plus de raison
pour qu’Émilien et Marie-Ange habitent en pension. Il n’y avait plus de raison
non plus pour que Clément demeure chez sa tante. Elle le prendrait comme élève
et veillerait à faire entrer quelque chose dans sa tête échevelée.
    Avec un

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