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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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beaucoup
de monde pour m’aider. Pas juste toi.
    Devant la mine déconfite de sa fille, elle
avait posé sa binette. Comprenait-elle mal ce qu’elle essayait de lui
expliquer ? Elle s’était approchée d’elle et l’avait prise dans ses bras.
Elle avait senti le corps de sa fille se tendre avant de ramollir.
    L’été fila comme le vent qui ne cessait
d’annoncer un automne pluvieux. Émilie consacra tout son temps à achever les
préparatifs pour ses trois filles qui fréquenteraient le couvent. Paul n’était
pas venu. Elle en avait été chavirée. À peine un an d’absence et il ne ressentait pas le besoin d’être près des siens, près d’elle.
Elle se résigna en lisant la dernière ligne de sa lettre. Paul avait écrit « Ego
sum Paulus » et, entre parenthèses, il avait traduit : « Je
suis Paul. » Émilie, pour la première fois depuis qu’elle était mère,
ressentit un malaise. Si Paul n’avait pas traduit sa phrase, elle n’aurait
jamais compris ce qu’il avait écrit. Maintenant, un de ses enfants en savait
plus qu’elle. Cela lui fit mal, créant un abîme qu’elle aurait peut-être pu combler
si elle avait été plus jeune. Mais quoiqu’elle eût encore l’envie d’apprendre,
elle n’avait plus le goût de le faire systématiquement. Cependant, plus pour
amuser son fils que pour le braver, elle courut voir le curé Grenier pour être
capable, elle aussi, de terminer une lettre par quelques mots de latin. Elle
écrivit : « Paulus, nihil habeo sed puerum meum amo. » Paul lui répondit : « Pater et mater amo. »
    Les quelques phrases qu’elle avait échangées
avec Blanche changèrent un peu sa fille. Blanche commença à visiter la parenté
plus souvent, se faisant même une amie, ce qui ne s’était pas produit depuis le
départ de Louisa. Elle entretenait une correspondance régulière avec cette
dernière et Émilie lui avait suggéré de l’inviter à venir passer quelques jours
à Saint-Tite. Les parents de Louisa ne l’avaient pas autorisée à le faire et
Émilie se doutait bien de la raison : ils ne voulaient pas que leur fille
habite dans une école, moins encore chez une famille « originale ».
    Depuis leur retour du lac, Ovide ne manquait
pas de les visiter. Il apportait des légumes ou des fruits, s’assoyait avec
Émilie pendant qu’elle s’occupait à ses travaux et l’entretenait de tout ce qui
se passait ou s’était passé dans le monde, de Napoléon à la guerre qui venait
de s’achever, sans omettre les tsars, les grands peintres impressionnistes et
la petite histoire locale. Ce qui, récemment, l’avait fort intéressé avait été
l’incendie de la buanderie des Chinois. Visite après visite, il reprenait
l’histoire, s’interrogeant comme s’il avait été le procureur.
    – À ton avis, Émilie, c’était un feu
accidentel ou volontaire ?
    – Ovide, l’enquête a révélé que c’était
un accident.
    – Mais tu trouves pas ça drôle, toi, que
ça arrive à la seule famille qui est pas du coin ?
    – Non. C’est la seule famille qui avait
une buanderie. Tu sais comme moi, Ovide, que c’est un nique à feu.
    Émilie fixa son aiguille sur le revers de son
collet et se leva pour regarder Rolande qui jouait un peu trop près du fossé à
son goût. Elle frappa dans la vitre et Rolande leva la tête pour voir les yeux
froncés de sa mère. La fillette s’éloigna du lieu qui la fascinait pour se
rapprocher de l’école. Émilie ouvrit la fenêtre et lui demanda de jouer à
l’arrière et non à l’avant.
    Jeanne prit sa sœur par la main et l’escorta.
Rassurée, Émilie referma la fenêtre et reporta son attention sur Ovide.
    – Ovide, ce genre de conversation
m’énerve, surtout quand je couds. Je me pique.
    Émilie regarda son beau-frère. Depuis le temps
qu’elle le connaissait, elle avait toujours su que s’il n’avait pas eu la
tuberculose, elle l’aurait eu pour soupirant. Elle l’examina et dut s’avouer
qu’objectivement il était plus beau qu’Ovila. Mais elle n’avait jamais vu cette
beauté avant cette année. Ovila avait usé sa beauté à grands coups de levées de
coude. Ovide, lui, avait enrichi la sienne de lectures et d’écoute. Maintenant,
il s’agitait sur sa chaise en toussotant de sa fausse toux qui, Émilie le savait,
masquait sa timidité.
    – Penses-tu, Émilie, que je viens te voir
trop souvent ?
    Elle éclata de rire. Ovide, le bel
indifférent, se préoccupait tout

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