Le cri de l'oie blanche
du
Bourdais. Blanche avait pleuré. Parce qu’elle verrait sa grand-mère moins
souvent. Parce que Ovide n’allait pas mieux. Parce que son oncle Oscar, celui
qu’elle connaissait le moins, s’était fiancé et qu’il quitterait Saint-Tite
pour aller vivre un peu partout, là où il y avait une gare dont il devrait
s’occuper. Mais elle avait surtout pleuré de voir renifler sa mère quand elle
avait accepté que Clément laisse le collège pour retourner dans une petite
école. Sa mère avait simplement dit : « Clément, tu sais pas la peine
que tu me fais. Quand on a la chance de pouvoir s’instruire, il faut le faire.
Il y en a qui auraient donné des millions pour être à ta place. Mais toi, tu
lèves le nez sur tout, sauf sur la ferme. » Clément, depuis ce temps-là,
n’avait pas écrit à sa mère et il n’avait pas voulu venir à Pâques. Clément
n’avait même pas dix ans et déjà, sa mère l’avait dit, il avait une tête de
mule.
Blanche, elle, sentait qu’elle devait faire
des efforts pour plaire à sa mère. Lui apporter de beaux résultats. Il fallait que
ses notes soient très bonnes pour faire oublier à sa mère que Rose ne pouvait
plus apprendre, que Marie-Ange et Émilien ne voulaient plus apprendre, que
Clément ne savait pas trop ce qu’il voulait. Elle aidait Jeanne à faire ses
devoirs pour s’assurer que Jeanne aussi ferait plaisir à sa mère.
À Pâques, sa mère leur avait annoncé qu’ils dé ménager aient. Pour Blanche, la nouvelle avait été
extraordinaire parce que sa mère avait réussi à obtenir une nouvelle école.
Elle enseignerait dans le rang du Bourdais. Pas à l’école de la montée des
Pointes, mais à l’autre école, celle qui était plus près de la terre de l’oncle
Ti-Ton. Seule ombre au tableau pour Blanche : sa grand-mère n’était plus
là. Mais son oncle Ovide y serait et son oncle Ti-Ton leur avait dit que sa
maison était leur maison…
Blanche n’avait jamais aimé le lac Éric et sa
maison-école. Une maison-école dans le rang du Bourdais de Saint-Tite serait
plus intéressante. Elle avait demandé à Jeanne si leur mère enseignait aussi
bien que les religieuses, et Jeanne lui avait dit qu’elle enseignait mieux.
Blanche enviait Jeanne, Paul et Alice d’avoir été les élèves de leur mère. Elle
n’avait pas eu cette chance. Maintenant que Jeanne pouvait comparer, elle avait
dit à Blanche que leur mère racontait beaucoup plus d’histoires, qu’ils
travaillaient beaucoup plus souvent avec les crayons de couleur et que la
récréation était plus longue. Ça, Blanche l’avait toujours su. Pendant la
récréation, sa mère s’occupait de Rolande qui, maintenant, était un drôle de petit
diable.
Pendant toute l’année, Blanche s’était un peu
inquiétée du fait que sa mère fût toute seule, si loin, avec Rolande et Alice.
Émilien aussi s’était inquiété car il avait toujours continué de passer ses
dimanches au lac, pour faire les corvées. Blanche n’avait cessé de se demander
comment, du couvent, elle aurait pu aider sa mère. Sa mère lui avait dit que la
seule façon de l’aider était de lui apporter de belles notes. Blanche avait
trouvé que sa mère répétait souvent les mêmes choses, mais elle avait obéi.
Depuis que Rose était partie et que sa mère
était revenue de Montréal, celle-ci avait changé. Maintenant, il lui arrivait
d’être plus impatiente. Blanche avait toujours peur des sautes d’humeur de sa
mère, surtout parce que, quand sa mère se mettait en colère, elle élevait la
voix tellement que Blanche sentait que quelque chose pouvait se déchirer en
elle, en commençant par ses oreilles.
Leur mère avait obtenu la permission qu’elle
et Jeanne quittent le couvent un peu plus tôt afin de l’aider à préparer les
boîtes pour le déménagement. Jeanne s’était excitée, encore une fois, disant à
Blanche que sa mère pouvait vraiment tout faire, même raccourcir les mois
d’école. Leur oncle Oscar était venu les chercher et leur avait raconté combien
son mariage avait été joli. Il ne s’était pas marié à Saint-Tite parce que sa
femme venait de Louiseville. Blanche trouvait que son oncle Oscar ressemblait à
son père. Tous les deux, ils étaient grands. Tous les deux, ils avaient un air
moqueur. En voyant le profil de son oncle qui conduisait l’automobile de son
frère Edmond, elle avait essayé de retrouver le profil de son père mais en
avait été
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