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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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de sa poche son petit carnet noir qu'il saisit et consulta avec une sorte de rage. Comment n'y avait-il pas songé plus tôt ? Lorsque Le Noir l'avait accablé de missions à un point tel que le soupçon l'avait effleuré d'une volonté d'enliser son enquête dans un bourbier d'obligations, l'une d'elles consistait à retrouver deux jeunes filles qui s'étaient enfuies de Bruxelles. Il rechercha la page où il avait noté les signalements. « La première… petite vérole… yeux bleus, sourcils noirs ». Et plus loin, et c'est cela qui avait inconsciemment éveillé son souvenir : « Déshabillé… un de satin bleu et gris à rayures ». Il jeta un regard sur la pauvre défroque souillée de sanie et de sang. La description correspondait exactement à ses notations.
    — Guillaume, s'écria-t-il, relevez-vous des marques de petite vérole sur le visage ?
    — Certes, répondit Semacgus. Je vous l'ai dit à la triperie. Yeux bleus, sourcils noirs et marques de petite vérole. Pour le reste…
    Le chirurgien se versait de l'eau sur les bras et les mains avec un cruchon de terre.
    — La pauvrette, ce n'était pas une courtisane. Femme depuis peu… Je veux dire déflorée et sans doute violée à maintes reprises, recto et verso. Quelle tristesse !
    — Vous en êtes sûr ?
    — Je le jurerais devant un procureur, sans états d'âme.
    — Heure du trépas ?
    — Plus incertaine. Compte tenu de plusieurs éléments à prendre en considération : température de la nuit, chaleur que dégage un amoncellement de chairs animales en décomposition, j'estime vraisemblable le décès aux environs de deux heures du matin. Entre une heure et deux heures du matin.
    — Nous savons que la charrette est arrivée à l'île des Cygnes vers trois heures… Il nous faut savoir où elle était aux environs de deux heures, et même un peu avant.
    Il réfléchissait, mais Semacgus, son large visage coloré exprimant une jubilation contenue, interrompit cet exercice.
    — Ce n'est pas tout, Nicolas. Il y a un détail dont je ne démêle pas l'importance, mais qui, j'en suis sûr, vous intriguera au plus haut point. La victime était plongée avant sa mort dans une solution saponifère, le tout ayant séché en s'évaporant. Il suffit de mouiller la peau pour s'en rendre compte et percevoir encore les effluves d'un parfum.
    — Soyez plus clair, Guillaume… Vous parlez à quelqu'un dont le crâne a quelque peu souffert et dont la nuit…
    Il s'arrêta sous le regard goguenard de Semacgus. Il se sentit rougir.
    — La jeune personne a pris un bain, dit le chirurgien. Et parfumé, encore !
    — En me gardant de tirer de cette observation tout ce qu'elle suppose, je remarque que l'eau est bien proche dans tous les épisodes de cette affaire. Hôtel Saint-Florentin à quelques toises de la Seine. Rue de Glatigny, berges de la cité et, enfin, île des Cygnes. On ne s'éloigne jamais du fleuve !
    — Voilà qui redouble encore l'intérêt de savoir où la charrette a reçu son funèbre fardeau.
    — Une autre remarque ?
    — La dernière. J'ai recueilli un fragment d'ongle et son arrachée de chair ; l'agresseur s'est sans doute accroché au vêtement de sa victime au cours de la lutte. Je vous livre ce détail. Il y a sans doute fort peu de chance qu'on en retrouve le propriétaire, mais qui sait ? Par extraordinaire, cela pourrait vous être utile…
    Nicolas glissa la pièce dans une feuille pliée de son carnet noir.
    — Vous ne l'avez pas évoqué, dit-il, mais je suppose que l'arme du crime…
    — Est bien la main artificielle. Du moins, la forme en plâtre correspond à la blessure. Aucun doute possible. Qu'allez-vous faire maintenant ?
    — Je n'ai que trop différé la rencontre avec la belle-famille du maître d'hôtel. Ensuite, j'irai à Bicêtre prendre des renseignements sur le fiancé éconduit de la première victime, Marguerite Pinchon.

    Ils remontèrent pensifs jusqu'au bureau de permanence où ils furent accueillis par le Père Marie, l'huissier des lieux, ravi de constater que les affaires reprenaient pour Nicolas dont il avait suivi la carrière dès l'origine. Il lui remit un petit pli cacheté sur lequel il reconnut aussitôt les trois sardines des armes de M. de Sartine. Le message était laconique : « L'homme dont je vous ai parlé, M. Bourdier, loge avec sa famille dans un garni, rue Galante. »
    Nicolas, qui disposait toujours dans un réduit de tenues de rechange et de

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