Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
linge propre, se changea et chargea le Père Marie de porter chez le dégraisseur son bel habit gris.
    — Père Marie, ajouta-t-il, je suis à court d'hommes. Pourriez-vous me rendre un service dont je vous crois tout à fait capable ?
    — Crédié, je saute par la fenêtre pour vous ! Le tout est de me hisser sur le rebord, avec mes fichues douleurs !
    — Je ne vous en demande pas tant, dit Nicolas en riant. Je vous ferai tenir une boîte de graisse de castor camphré dont M. de Noblecourt se dit fort satisfait. Vous ne vous ennuyez pas dans votre cage ?
    — Que si, monsieur Nicolas ! J'ai ma pipe et mon cordial. Autrement, je m'ennuie ferme.
    — Bien, bien. Que diriez-vous de rechercher dans le registre des étrangers un Anglais d'âge mûr, de moyenne stature et d'un embonpoint certain. Il porte des lunettes pliantes fumées et parle un assez bon français. Me serait également utile la liste des étrangers séjournant dans des hôtels garnis à Paris et à Versailles.
    — Ce serait bien imprudent à lui de fréquenter toujours des établissements en vue, remarqua Semacgus.
    — Loger chez l'habitant le serait encore davantage, et il se peut aussi qu'il soit chez son ambassadeur. Lord Aschbury est homme subtil. Nous verrons bien… Alors, Père Marie, cela vous convient-il ?
    — Je vais de ce pas consulter les registres.
    Nicolas lui tendit quelques louis.
    — C'est beaucoup trop, dit l'huissier ébloui.
    — Vous conserverez le trop pour le tabac et le cordial. C'est pour payer le dégraisseur.
    Il sortit à grande allure.
    — Vous savez y faire, dit Semacgus. Il y a toujours espérance de desserte à votre service.
    — Je ne m'y efforce guère. C'est un brave homme, et breton de surcroît. Evit ur baoninqenn, kant modigenn  ! « Pour une petite peine, cent douceurs », comme on dit chez nous. Je vais rue Christine visiter les Duchamplan. M'accompagnez-vous ? Je n'ai guère de temps de rester, hélas ! Nous sauterons le dîner. Nous souperons de compagnie ce soir, tout à loisir…
    Semacgus grimaçait à l'idée de ce sacrifice.
    — Oseriez-vous par hasard abandonner votre patient ? plaisanta Nicolas. Imaginez que je défaille…
    — Vous battez mes défenses. Je jeûnerai donc en votre honneur. Ce soir, vous serez tous mes hôtes.
    La voiture du chirurgien les attendait sous le porche. Nicolas songea soudain à remercier le cocher qui, par sa présence d'esprit, lui avait sans doute sauvé la vie. L'intéressé, rouge d'émotion, leur signala avoir profité de leur absence pour acheter à l'un de ces étals qui encombraient la place depuis l'apport Paris, un panier de petits pâtés champenois chauds et deux bouteilles de vin franc, ayant deviné que ces messieurs, trop pris par leurs affaires, allaient devoir se serrer la ceinture. Il fut doublement félicité de son initiative et Nicolas se délesta à nouveau de quelques écus supplémentaires.
    En calmant leur fringale, ils passèrent la Seine et gagnèrent la rue Christine, située entre celles des Grands Augustins et Dauphine. Cette voie tranquille alignait de grandes maisons bourgeoises. Celle des Duchamplan ne déparait pas l'ensemble, avec sa façade austère sans décoration excessive, hormis un mascaron représentant le visage d'un triton joufflu. Six étages avec les combles, nota Nicolas. Les trois supérieurs semblaient, à certains détails, dévolus à des garnis. Ils franchirent la porte cochère. Le gardien, assis sur un escabeau dépaillé, écossait des haricots et leur indiqua que M. Duchamplan aîné habitait le premier et le second étage, M. Duchamplan cadet à l'entresol, mais pour l'heure ce dernier ne se trouvait pas là, et cela depuis plusieurs jours, sans que rien expliquât cette absence qui paraissait beaucoup tourmenter son frère. Ils trouvèrent à main gauche un escalier de belle volée, dont l'état montrait qu'il servait au seul usage du propriétaire et que le tout-venant populaire de l'étage utilisait sans doute une montée plus modeste, celle des domestiques, des fournisseurs, porteurs d'eau et de bois…
    Nicolas fit observer à Semacgus que le hasard demeurait l'élément le plus constant des enquêtes et qu'on en venait à découvrir lors même qu'on ne s'efforçait pas à savoir. Il conviendrait de poursuivre la conversation avec un personnage aussi disert que ce gardien. Le cordon tiré, un valet entre deux âges leur ouvrit. Nicolas demanda à être reçu par le maître de

Weitere Kostenlose Bücher