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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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confusion entraîne que des êtres, par ailleurs méprisables pour leur conduite, supportent en plus de leur peine les menées agressives et les injures de furieux. Aussi, le séjour dans cette maison de force équivaut souvent, et par nécessité, à une lente déchéance vers la folie.
    — Que font les médecins en charge ?
    — Vous plaisantez ! On ne leur en a jamais donné. Bien pire, l'endroit est une salle de spectacle mondain. De temps en temps, moyennant quelques liards aux gardiens, d'aimables amateurs viennent se repaître de ces visions dégradantes. Ce traitement de bêtes curieuses fait dégénérer de légers signes de folie en paroxysme de fureur. De fou, on devient enragé. Il faut voir pour le croire comme certains de ces visiteurs les agacent comme s'ils étaient des fauves en loges, les irritant et provoquant leur furie.
    — Et dire que, commissaire au Châtelet, j'ignorais tout de ces horreurs ! dit Nicolas glacé d'effroi.
    Leur présence déchaîna un vrai pandémonium de cris et de gesticulations obscènes.
    — Cela ne me surprend pas, dit le médecin. Pour beaucoup de Parisiens, surtout parmi ceux du plus haut rang et des plus éclairés, les cruautés commises aux portes mêmes de la ville sont aussi étrangères que celles des populations sauvages du nouveau monde.
    — Et l'Église ? demanda Nicolas.
    — L'Église estime que les malades sont reçus ici par charité et que les prisonniers doivent expier leurs fautes. Comprenez-moi bien : chacun suit la logique de sa pensée. Les philosophes s'élèvent bien contre le mélange des prisonniers et des fous. Mais leur sensible humanité s'intéresse à juste titre à la condition des prisonniers en oubliant celle, pitoyable et terrible, d'insensés pour lesquels l'horreur de la geôle s'ajoute au poids effroyable de leur condition. On s'entend pour les cacher et les empêcher de nuire aux autres, alors qu'il conviendrait de les comprendre et de les soigner.
    Ils passèrent ensuite dans un bâtiment réservé aux enfants les plus jeunes. Gévigland expliqua à Nicolas que seuls ceux âgés de moins de douze ans y séjournaient.
    — Vous voulez dire, je suppose, dit Nicolas, que c'est encore l'hôpital et que ce sont des orphelins recueillis ici par la charité publique.
    — Point du tout, ils sont réellement prisonniers et les parents de ces infortunés existent bien.
    — Je m'étonne que des êtres de cet âge puissent devenir les victimes de lois qu'ils ignorent et qu'ils ne pourraient comprendre quand bien même ils les auraient connues. S'ils ont commis des actes punissables, qu'on les renvoie à leurs parents en réservant à ceux-ci le soin de les châtier.
    — Sachez que ces enfants n'ont aucunement violé les lois du royaume et qu'ils ne sont coupables que de fautes domestiques vénielles. Ce sont les parents qui les placent ici.
    — Et ce traitement horrible ne les amende évidemment pas ?
    — Vous avez deviné. Ils quittent un jour la prison pires qu'ils n'y sont entrés. Cent fois pires. Même séparés dans leurs cellules, ils peuvent du moins s'entendre, se corrompre par leur discours et s'exciter mutuellement au vice. Ainsi, des parents aveugles deviennent eux-mêmes les instruments de la dépravation de leurs propres enfants et leur infligent la plus raffinée comme la plus atroce de toutes les punitions.
    Le pire restait à voir. Le docteur conduisit Nicolas au centre de la cour de l'hôpital. Il frémit en apercevant les barreaux des fenêtres qui y donnaient et où apparaissaient des figures pâles et hideuses hurlant à pleine voix des injures. Gévigland tapa du pied sur le sol pavé.
    — Imaginez, monsieur, qu'à vingt pieds sous terre, juste en dessous de l'endroit où nous nous trouvons, existent différentes espèces de cachots, vraies sépultures. Remarquez, ici et là, ces fentes étroites, ce sont des jours qui laissent filtrer une faible apparence de lumière, non dans les cachots où doit régner une obscurité absolue mais sur le passage qui conduit de l'un à l'autre. Cependant, si le malheur voulait que je me trouvasse dans une situation aussi déplorable, je préférerais la solitude de tombeau de ces cabanons plutôt que la salle commune dans la prison.
    — Comment cela ?
    — Les excès les plus infâmes s'y commettent sur la personne même du prisonnier, vices pratiqués habituellement, et même en public, que la simple décence m'impose de taire. On me dit que nombre de

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