Le Dernier Caton
minéraux. Sinon, vous risquez d’avoir de terribles crampes aux jambes.
Je gardai le silence. Je préférais mille fois le sol brûlant de Sainte-Lucie à cette maudite épreuve physique à laquelle je n’étais pas du tout préparée.
Le capitaine ouvrit une sacoche de cuir posée sur la table et en sortit trois petites et mystérieuses boîtes. Au loin, une cloche sonna sept heures.
— Mettez ces pulsomètres à votre poignet, nous dit-il en nous montrant d’étranges montres. Quel âge avez-vous, Boswell ?
— Alors là ! Pourquoi cette question ?
— Il faut programmer les pulsomètres pour qu’ils puissent contrôler vos pulsations durant la course. Si vous dépassez la limite, vous pourriez avoir un collapsus ou une crise cardiaque.
— Je ne pense pas faire d’excès, dis-je.
— Votre âge, professeur Boswell, s’il vous plaît ?
— J’ai trente-huit ans.
— Bien. Alors, il faut ôter 38 à 220 pulsations maximum.
— Pourquoi ? demanda Sa Béatitude, curieux.
— Le nombre de pulsations idoines pour un homme se calcule en ôtant son âge à la fréquence cardiaque maximale. Le professeur a donc une fréquence cardiaque théorique de 182. S’il la dépasse, il se met en danger. Le pulsomètre sifflera si vous le faites, c’est compris ?
— Parfaitement, dit Farag en glissant le petit appareil au poignet.
— Dites-moi votre âge, me demanda alors le capitaine.
J’avais attendu ce terrible moment avec anxiété. Cela m’était égal de le dire devant l’archevêque et Glauser-Röist, mais cela me gênait beaucoup que Farag sache que j’avais un an de plus que lui. Je n’avais pas le choix.
— Trente-neuf.
— Parfait. (Il ne cilla pas.) Les femmes ont une fréquence cardiaque supérieure à celle des hommes. Elles supportent un effort supérieur. Donc, dans votre cas, nous soustrairons 39 de 226. Votre maximum théorique est donc de 186. Mais, comme vous menez une vie très sédentaire, nous le programmerons à soixante pour cent, c’est-à-dire à 112. Voilà, votre pulsomètre est réglé. Souvenez-vous qu’au moindre sifflement vous devez ralentir immédiatement et faire une pause.
— D’accord.
— Ce sont des calculs approximatifs, chaque personne est différente. Selon la préparation de chacun et sa constitution, les limites peuvent varier. Aussi, ne vous fiez pas seulement au pulsomètre. Au moindre signe de faiblesse, arrêtez-vous et reposez-vous. Parlons maintenant des lésions possibles.
— On ne pourrait pas sauter cette partie ? dis-je d’un ton ennuyé.
J’étais bien certaine que je n’allais pas me blesser, pas plus que je ne ferais siffler mon pulsomètre. J’allais adopter un pas léger, le plus léger possible, et je continuerais ainsi jusqu’à Athènes.
— Non, professeur. C’est important. Avant de démarrer, nous ferons une série d’exercices d’échauffement et des étirements. L’absence de masse musculaire chez les personnes sédentaires est la principale cause de lésions aux chevilles et aux genoux. En tout cas, nous avons la chance que tout le trajet se fasse sur une route asphaltée.
— Ah ? Je croyais que la course était à travers champs.
— Je parie mon pulsomètre que tu te voyais déjà en train de mourir sur une colline entourée de végétation et d’animaux sauvages, se moqua Farag.
— Eh bien oui, je n’ai pas honte de le reconnaître.
— Toute la course se fait sur la route. Et il est impossible de se perdre car il y a longtemps que le gouvernement grec a tracé une ligne bleue tout le long du parcours. On traverse aussi divers villages, comme vous le verrez. Nous ne quittons pas du tout la civilisation.
La possibilité de me retrouver perdue dans une forêt était définitivement éliminée.
— Si vous notez un pincement musculaire qui vous coupe le souffle, arrêtez-vous. Et ne repartez pas. L’épreuve est terminée pour vous. Vous avez une contraction fibrillaire et, si vous continuez, les dommages seront irréversibles. Si c’est une douleur normale bien qu’intense, palpez le muscle : s’il est dur comme de la pierre, arrêtez-vous quelques instants. Ce peut être le début d’une contracture. Faites un massage et, quand vous le pourrez, quelques étirements, en douceur. Si la tension cède, continuez ; sinon, arrêtez. La course est terminée. Et maintenant, dit-il en se levant, changez de vêtements et tenez-vous prêts. Nous mangerons quelque chose en
Weitere Kostenlose Bücher