Le Dernier Caton
l’avare, Alexandrie, la gloutonne, et Antioche, la luxurieuse.
Le vol nous prit seulement trois heures, que nous mîmes à profit en travaillant d’arrache-pied pour préparer le quatrième cercle, la quatrième corniche du Purgatoire qui se trouvait maintenant à mi-chemin du sommet.
Dante, libéré par le troisième ange d’un nouveau « P », marche délivré du péché de colère, se sent plus léger et a envie de poser mille questions à son guide. Comme dans le chant précédent, le contenu concret se référant à l’épreuve est minime. La moitié des chants XVII et XVIII traitent de graves questions concernant l’amour. Virgile explique à Dante que les trois grands cercles qu’ils ont passés sont des lieux où se purifient les péchés liés au mal que l’on souhaite à son prochain, à la joie que produisent l’humiliation et la douleur de l’autre. Les trois cercles qu’il leur reste à parcourir permettent, eux, de se purifier des maux que l’on se fait à soi-même.
« Doux père, dis-moi de quelle offense
se purifie-t-on dans le cercle où nous sommes ?
Si nos pieds s’arrêtent, que ton discours ne cesse. »
Et lui à moi : « L’amour du bien, privé
de son devoir, se restaure ici ;
ici on relance la rame trop lente. »
Plus tard, tandis qu’ils flânent sur la corniche, ils se lancent dans une longue discussion sur la nature de l’amour, ses effets positifs et négatifs sur les hommes. Au bout de quarante-cinq tercets, après un discours de Virgile au sujet du libre arbitre, apparaît la foule des pénitents paresseux.
De sorte que moi, qui avais recueilli
sa réponse ouverte et claire à mes questions,
fêtais comme un homme qui somnole et divague.
Mais cette somnolence me fut ôtée
à l’improviste par des ombres
qui nous rejoignirent par-derrière.
[…]
« Marie courut en hâte à la montagne 19 ;
et César pour soumettre Ilerda
frappa Marseille et courut en Espagne. »
« Vite, vite ne perdons pas de temps
par manque d’amour ! criaient les autres.
Le zèle à bien agir fait reverdir la grâce. »
Comme toujours, Virgile demande aux âmes où se trouve l’ouverture qui permet le passage à la corniche suivante, et l’une d’elles, qui comme les autres passe en courant devant eux sans s’arrêter, les pousse à avancer : en les suivant, ils trouveront le passage. Mais les poètes demeurent là où ils sont et contemplent, étonnés, ces esprits, si paresseux de leur vivant, qui s’éloignent maintenant rapides comme le vent. Dante, épuisé par la marche de la journée, s’endort profondément en pensant à ce qu’il a vu. Et c’est sur ce rêve, qui sert de transition entre chants et cercles, que se termine la quatrième corniche du Purgatoire.
La voiture officielle de l’archevêque d’Athènes, Sa Béatitude Christodoulos Paraskeviades, nous attendait à notre arrivée. Elle nous déposa devant notre hôtel sur la place Syndagma, tout près du Parlement. Le trajet depuis l’aéroport fut long, et l’entrée dans la ville surprenante. Athènes ressemblait à un vieux village de grandes dimensions qui ne souhaitait pas dévoiler sa condition de capitale historique et européenne tant que l’on n’avait pas découvert le plus profond de son cœur. C’est seulement lorsque le Parthénon saluait le voyageur du haut de l’Acropole, que l’on comprenait enfin que là était la ville de la déesse Athéna, la ville de Périclès, Socrate, Platon et Phidias, la ville aimée par l’empereur Hadrien et le poète anglais Lord Byron. L’air même paraissait différent, chargé d’arômes inimaginables, parfums d’histoire, de beauté et de culture, qui effacent ce que la ville pouvait avoir de froissé et de triste.
Un portier à la livrée verte nous ouvrit aimablement les portières et se chargea de nos valises. L’hôtel était ancien et spectaculaire, avec une énorme réception de marbres colorés et de lampes argentées. Nous fûmes accueillis par le directeur en personne qui, comme si nous étions de grands personnages d’État, nous accompagna avec déférence à la salle de réunion du premier étage, où se tenaient un groupe de hauts prélats orthodoxes aux longues barbes et impressionnants colliers d’or. Là, assis confortablement dans un coin, nous attendait l’archevêque.
Je fus surprise par sa bonne mine et sa pétulance. Il devait avoir dans les soixante-quinze ans et les
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