Le Dernier Caton
suffiraient pas pour trouver le nom de l’homme qui est enterré ici.
— Tu paries ?
— Tout ce que tu veux, déclara-t-il, très convaincu. Mais tu vas perdre.
— L’empereur Constantin le Grand, affirmai-je. Fils de l’impératrice Hélène.
Son visage refléta une immense surprise. Il se tut quelques instants puis parvint à bégayer :
— Co… Co… Comment as-tu deviné ?
— Grâce aux scènes gravées sur le porphyre. L’une d’elles montre le visage de l’empereur.
— Heureusement qu’on n’a rien parié !
Selon Farag, en plus du chrisme de l’empereur, une inscription toute simple disait Konstantinos en esti, c’est-à-dire « Constantin se trouve là ». C’était la découverte la plus fantastique de toute l’histoire récente, l’événement le plus important de ces derniers siècles ! À une époque incertaine, entre 1000 et 1400, la tombe de Constantin fut perdue pour toujours sous la poussière des sandales des croisés, des Perses et des Arabes. Et nous l’avions trouvée. Nous étions devant le sarcophage du premier empereur chrétien, le fondateur de Constantinople, ce qui démontrait, s’il en était encore besoin, que les stavrophilakes avaient toujours été prêts à sauver tout ce qui avait un lien avec la vraie Croix. Quand ces maudites épreuves du Purgatoire seraient finies, quand j’aurais donné ma démission, après toutes ces années de bons et loyaux services, aux Archives secrètes du Vatican, j’irais m’enfermer dans le monastère irlandais de Connaught et j’écrirais une série d’articles sur la vraie Croix, ses gardiens, Dante, sainte Hélène et Constantin le Grand, et je ferais connaître au monde entier l’emplacement des restes de l’empereur. Je n’avais pas le moindre doute que cela me vaudrait tous les prix académiques connus, ce qui compenserait ma rupture avec le tout-puissant Vatican.
— Je ne crois pas que l’empereur se trouve là-dedans, dit soudain le capitaine sous nos regards stupéfaits. Vous ne comprenez pas que c’est impossible ? Un personnage aussi important n’a pas pu finir entre les mains d’une secte de voleurs comme élément de preuves initiatiques !
— Voyons, Kaspar, ne soyez pas aussi sceptique, répliqua Farag en essayant de descendre du sarcophage. Ce genre de chose arrive. En Égypte, par exemple, on découvre tous les jours de nouveaux gisements archéologiques avec les éléments les plus inattendus. Hé ! Que se passe-t-il ? s’exclama-t-il soudain.
Le couvercle avait commencé à se déplacer lentement en le poussant vers le sol.
— Saute, Farag ! lui criai-je. Laisse-toi glisser !
— Qu’avez-vous fait, professeur ? hurla le capitaine, furieux.
— Mais rien, Kaspar, je vous assure, déclara Farag en sautant jusqu’au sol de marbre. J’ai juste posé le pied sur un anneau d’or pour prendre appui.
— Et tu as trouvé le moyen d’ouvrir le cercueil, murmurai-je tandis que le couvercle de porphyre cessait de glisser avec un bruit sec.
En utilisant comme barreau une des têtes de lion et en s’agrippant au bord du sépulcre, Glauser-Röist réussit à se hisser sur le sarcophage.
— Que voyez-vous ? lui demandai-je.
Je crois que ce fut à cet instant précis que je sentis les premiers frémissements d’air, mais je n’en suis pas certaine.
— Un mort.
Farag leva les yeux au ciel d’un geste de résignation et suivit le capitaine dans sa montée.
— Tu devrais venir, Ottavia, dit-il, très souriant.
Il n’eut pas besoin de me le répéter. En tirant sur la veste du capitaine, j’obtins qu’il redescendît et me cédât sa place. Je contemplai alors l’incroyable spectacle qui s’offrait à mes yeux : semblables à ces poupées russes qui en contiennent d’autres plus petites, il y avait plusieurs cercueils. Ils avaient tous une plaque de verre en guise de couvercle, de sorte qu’on pouvait contempler le défunt. Bien entendu, affirmer qu’il s’agissait de Constantin le Grand eût été téméraire, car seuls les atours impériaux trahissaient le haut lignage du cadavre. Le crâne portait une stemma, une couronne d’or ornée de pierres précieuses d’une beauté à couper le souffle, et de magnifiques catatheistae suspendus à la toufa , le diadème qui arborait une crête de plumes de paon royal. Le reste du corps était recouvert d’un impressionnant skaramangion , ou tunique royale, avec une fibule sur l’épaule droite,
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