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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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mettre un chaînon dans la chaîne d’argent, et neuf dans l’autre. Pour faire dix…
    — Vas-y, Ottavia ! Il nous reste peu de temps.
    À chaque chaînon que je faisais entrer dans la main de l’ange on entendait un « clac » métallique. Je laissai un chaînon d’argent et tirai sur la chaîne d’or.
    — Ottavia ! Les quatre coins du sol sont rouge vif ! me cria Farag.
    — Je ne peux pas aller plus vite !
    J’avais la tête qui tournait. L’odeur de brûlé m’angoissait.
    — Ce n’est pas « un » et « neuf », dit le capitaine. Il faut donc essayer autre chose. Six doigts d’un côté et trois de l’autre, essayez.
    Je tirai sur la chaîne comme une possédée. Nous allons mourir, me dis-je. Pour la première fois de toute ma vie, je commençais à croire pour de bon que mon heure avait sonné. Je priais désespérément tout en manœuvrant les chaînons. Mais rien ne se produisit.
    Le capitaine, Farag et moi échangeâmes un regard désespéré. Une flamme surgit du sol. La veste du capitaine avait pris feu. La sueur coulait sur mon corps, mais le pire, c’était le bourdonnement dans les oreilles. Je commençai à enlever mon pull.
    — Nous allons manquer d’oxygène, annonça le capitaine d’un ton neutre.
    Dans son regard, je lus qu’il savait que la fin approchait.
    — Nous devrions prier, dis-je.
    — Vous, peut-être, protesta Farag en regardant la veste qui brûlait et en repoussant de son front quelques mèches trempées. Vous avez la consolation de croire que dans peu de temps vous commencerez une autre vie.
    Un accès de peur m’envahit soudain.
    — Tu n’es pas croyant, Farag ?
    — Non, Ottavia, s’excusa-t-il avec un sourire timide, mais ne t’inquiète pas pour moi. Cela fait beaucoup d’années que je me prépare à cet instant.
    — Te préparer ! m’écriai-je, scandalisée. La seule chose qu’il te reste à faire, c’est de te tourner vers Dieu et de t’en remettre à Sa miséricorde !
    — Je dormirai, c’est tout, dit-il avec toute la tendresse dont il était capable. J’ai eu longtemps peur de la mort, mais je ne me suis pas donné la possibilité de croire en un Dieu pour m’épargner cette peur. Après, j’ai découvert qu’en me couchant chaque nuit, en dormant, je mourais aussi un peu. Le processus est le même. Tu te souviens de la mythologie grecque, les jumeaux Hypnos, le Sommeil, et Thanatos, la Mort, enfants de Nyx, la Nuit… Tu te souviens ?
    — Mais enfin, Farag, comment peux-tu blasphémer de cette manière alors que nous sommes sur le point de mourir !
    Je n’avais jamais pensé qu’il pouvait ne pas être croyant. Je savais qu’il n’était pas pratiquant mais, de là à ne pas croire en Dieu, il y avait un abîme. Heureusement, je n’avais pas connu beaucoup d’athées dans ma vie. J’étais convaincue que tout le monde, d’une manière ou d’une autre, croyait en Dieu. Et je fus horrifiée en voyant cet idiot risquer sa vie éternelle en disant ces choses horribles au dernier moment.
    — Donne-moi ta main, Ottavia, me demanda-t-il en me tendant la sienne, qui tremblait. Si je dois mourir, j’aimerais avoir ta main entre les miennes.
    Je la lui donnai, bien sûr. Comment refuser ? Et puis, moi aussi j’avais besoin d’un contact humain, aussi bref fut-il.
    — Capitaine, dis-je, voulez-vous que nous priions ?
    La chaleur était insupportable, nous manquions d’air, et je ne voyais presque rien à cause des gouttes de sueur qui coulaient sur mes yeux, mais aussi parce que j’étais à moitié inconsciente. Une douce torpeur m’envahit, me laissant sans forces. Le sol, cette froide plaque de fer qui nous avait reçus à notre arrivée, s’était transformé en un lac de feu aveuglant. Tout était orange et rouge incandescent, même nous.
    — Bien sûr, commencez et je vous suivrai.
    Ce fut à cet instant précis que je compris ! C’était pourtant si simple ! Il m’avait suffi de jeter un dernier coup d’œil sur nos mains entrelacées, trempées de sueur, brillantes sous la lumière rougeoyante, pour que me revienne un souvenir d’enfance, un jeu, un truc que mon frère Cesare m’avait appris quand j’étais petite pour mémoriser les tables de multiplication. Pour la table de 9, il suffisait d’étendre les deux mains, de compter à partir du petit doigt de la main gauche jusqu’à arriver au multiple et de plier ce doigt. Le nombre de doigts restant à gauche était le premier

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