Le Dernier Caton
païen, et l’autel de l’abside un fragment de l’Ara Maxima.
— Ce temple était consacré à Hercule Invictus, dis-je.
— C’est ce que je disais, un temple païen.
J’éclairai et examinai avec ma torche chaque recoin des trois nefs et des petits oratoires latéraux disposés sur la gauche. Il y avait de la poussière partout, ainsi que des urnes disjointes qui contenaient les restes de saints et de martyrs oubliés depuis des siècles par la dévotion populaire. Mais, mis à part son intérêt historique et artistique, cette discrète chapelle ne possédait rien qui fut digne d’être mentionné. C’était juste une curieuse église souterraine, sans aucun détail qui pût nous apporter des pistes sur la première épreuve du Purgatoire.
Après un long moment de recherches infructueuses, nous nous réunîmes dans l’abside, assis par terre près de l’ Ara Maxima, pour faire le point. Cette fois, vêtue d’un pantalon, je me sentais parfaitement à l’aise. Dans une petite niche creusée dans le mur près de moi, reposaient le crâne et les os d’une certaine Cyrille : « Sainte Cyrille, vierge et martyre, fille de sainte Trifonia morte pour le Christ sous le prince Claude », disait l’épitaphe latine.
— Cette fois, nous n’avons trouvé aucun chrisme pour nous indiquer le chemin, dit Farag en repoussant les mèches qui tombaient sur son front.
— Il doit bien y avoir quelque chose, répondit le capitaine, assez fâché. Essayons de nous souvenir de tout ce que nous avons vu depuis que nous sommes arrivés ici. Qu’est-ce qui a attiré notre attention ?
— La « Bouche de la Vérité » ! s’écria Boswell d’un ton enthousiaste.
Je souris.
— Je ne parlais pas des attractions touristiques.
— Ah… ! En tout cas, moi, cela m’a beaucoup frappé.
— Il est vrai que cet ouvrage de maçonnerie romaine a son intérêt, commentai-je pour le soutenir.
— Très bien, dit le capitaine, nous remonterons et recommencerons à tout examiner.
C’était trop ! Je regardai ma montre, il était cinq heures de l’après-midi.
— On ne pourrait pas revenir demain ? Nous serons moins fatigués.
— Demain, nous serons à Ravenne pour affronter le deuxième cercle du Purgatoire. Vous ne comprenez pas qu’à cet instant même, quelque part dans le monde ou ici même, à Rome, un autre vol de Ligna Crucis a peut-être lieu ? Non, pas question de nous arrêter ni de nous reposer.
— Je suis sûr que cela n’a aucune importance, déclara Farag, mais j’ai vu quelque chose de bizarre par là, dit-il en indiquant un des oratoires latéraux.
— De quoi s’agit-il, professeur ?
— Un mot écrit au sol… Gravé sur la pierre.
— Quel mot ?
— On ne distingue pas les lettres, elles paraissent très usées, mais je crois qu’il s’agit de « Vom ».
— « Vom » ?
— Allons voir, dit le capitaine en se mettant debout.
Dans le coin gauche de l’oratoire, juste au centre d’une énorme dalle rectangulaire qui formait un angle droit avec les murs, on pouvait lire en effet le mot « VOM ».
— Qu’est-ce que cela veut dire ? demanda le capitaine.
J’étais sur le point de lui répondre, quand soudain nous entendîmes un bruit sec. Le sol commença à osciller comme s’il y avait eu un formidable tremblement de terre. Je poussai un cri tandis que je tombais comme un poids mort sur la dalle, qui s’enfonça dans les profondeurs de la terre en se balançant furieusement d’un côté et de l’autre. Malgré ma panique, je me souviens d’un détail important : quelques secondes avant le bruit sec, mon nez perçut avec beaucoup d’intensité l’odeur acre de sueur et de saleté du père Bonuomo, qui devait donc se trouver très près de nous…
La panique m’empêchait de penser. J’essayais seulement, terrorisée, de m’accrocher au sol pour ne pas tomber dans le vide. Je perdis ma torche et mon sac, tandis qu’une main de fer me tenait le poignet pour m’aider à maintenir mon corps collé à la pierre.
Nous descendîmes dans ces conditions pendant ce qui me sembla être une éternité, mais ce fut peut-être l’affaire de quelques secondes. Enfin, la maudite pierre toucha le sol et s’arrêta. Aucun de nous ne fit un geste. J’entendais les halètements de mes compagnons. Mes bras et mes jambes me paraissaient de caoutchouc, comme s’ils ne pouvaient me soutenir, un tremblement incontrôlable agitait tout mon corps
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