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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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la somme soit versée, ses forces demeurèrent à
Readingum. Quand l’argent aurait été versé, promit Halfdan, les navires
descendraient la Temse et le Wessex serait libéré des païens. Alfred accepta,
et la paix fut enfin conclue par des serments solennels de part et d’autre.
    Ni Brida ni moi n’étions là lorsque la réunion se termina.
Nous y avions assisté presque tous les jours, servant d’yeux à Ravn dans le
grand palais romain où se déroulaient les discussions, mais quand nous nous ennuyions,
ou plutôt lorsque Ravn était las de notre ennui, nous allions nager aux bains.
    Il n’y avait que nous dans l’immense salle résonnant
d’échos. J’aimais me placer à l’endroit où l’eau giclait sur une pierre d’une
ouverture dans la paroi et je la laissais couler sur mes longs cheveux. J’étais
là, les yeux fermés, quand j’entendis Brida pousser un cri. J’ouvris les yeux
et au même instant deux solides mains m’empoignèrent aux épaules. J’avais la
peau glissante et me dégageai, mais un homme en cuir sauta dans le bassin,
m’intima l’ordre de me taire et s’empara de moi. Deux autres pataugeaient dans
l’eau et poussaient Brida vers le bord à l’aide de longues perches.
    — Qu’est-ce que vous… ? commençai-je en dane.
    — Silence, mon garçon, répondit l’homme.
    C’était un Saxon. Ils étaient une dizaine. Quand ils nous
eurent sortis de l’eau et enveloppés dans de grandes capes qui empestaient, ils
ramassèrent nos vêtements et nous emmenèrent. J’appelai au secours et je fus
récompensé par un bon coup sur la tête qui aurait assommé un bœuf.
    Deux hommes nous prirent en selle et nous remontâmes jusqu’à
la colline qui dominait Baðum au sud et où Beocca, rayonnant, nous attendait.
    — Tu es sauvé, mon seigneur, me dit-il. Le
Tout-Puissant soit loué, tu es sauvé ! Tout comme vous, ma dame,
ajouta-t-il à l’intention de Brida.
    Je le fixai, ébahi. Sauvé ? Enlevé, plutôt. Brida et
moi échangeâmes un regard. Elle me fit discrètement signe de garder le silence,
du moins me sembla-t-il, et j’obéis. Beocca nous fit habiller.
    J’avais glissé mon amulette et mes bracelets dans ma bourse
quand je m’étais dévêtu et les y laissai tandis que Beocca nous entraînait
précipitamment dans une église voisine. Ce n’était qu’une cabane en bois et en
torchis à peine plus grande qu’une porcherie, et il y remercia Dieu de nous
avoir sauvés. Ensuite, nous fûmes emmenés dans un château et présentés à
Ælswith, l’épouse d’Alfred.
    Ælswith était une femme de petite taille, aux cheveux bruns
et ternes, des yeux minuscules, une petite bouche et un menton volontaire. Le
bas et les larges manches de sa robe bleue étaient brodés d’anges en fil
d’argent et un lourd crucifix en or pendait à son cou. À côté d’elle, un bébé
dormait dans un berceau de bois. Je compris beaucoup plus tard qu’il devait
s’agir d’Æthelflæd. C’était donc la première fois que je la voyais, mais je n’y
prêtai aucune attention. Ælswith me salua avec un très reconnaissable accent
mercien puis, une fois qu’elle se fut enquise de ma famille, elle m’apprit que
nous devions être apparentés. En effet, son père était Æthelred, qui avait été
de Mercie, cousin germain du valeureux Æthelwulf, dont j’avais vu le cadavre
devant Readingum.
    — Et toi, dit-elle en s’adressant à Brida. Le père
Beocca me dit que tu es la nièce du saint roi Edmond ? (Brida se contenta
de hocher la tête.) Mais qui sont tes parents ? demanda Ælswith en
fronçant les sourcils. Edmond n’avait point de frères, et ses deux sœurs sont
nonnes.
    — Hild, répondit Brida.
    C’était le nom de la tante que Brida détestait.
    — Hild ? répéta Ælswith, perplexe, et même
soupçonneuse. Aucune des deux sœurs du bon roi Edmond ne se nomme Hild.
    — Je ne suis point sa nièce, avoua Brida d’une toute
petite voix.
    — Ah !
    Ælswith se rencogna dans son fauteuil, son petit visage vif
arborant la satisfaction de celle qui vient de prendre quelqu’un en flagrant
délit de mensonge.
    — Mais on m’a toujours demandé de l’appeler ainsi,
continua Brida. (Elle m’étonna : je pensais qu’elle allait avouer son
mensonge, alors qu’elle était en train de l’embellir.) Ma mère s’appelait Hild
et elle n’avait point de mari, mais elle voulait que j’appelle le roi Edmond
mon oncle, dit-elle de la même petite voix

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