Le dernier templier

qu’elle s’attendait à trouver.
    Entre deux chaînes de montagnes couvertes de pins, un immense lac déroulait son miroir scintillant.

56
    Tess se figea. Hébétée, elle contemplait le spectacle — somptueux, au demeurant — qui s’offrait à elle. Ses doigts agrippèrent la poignée de la portière et elle se jeta hors du véhicule avant même son arrêt complet. Au comble de la stupeur, elle se précipita jusqu’au bord de la crête. Le grand lac sombre s’étendait là, paisible, immobile, d’une extrémité de la vallée à l’autre.
    — Je ne comprends pas, s’affligea-t-elle. Ce devrait être ici.
    Reilly avait lui aussi quitté le 4 x 4 pour la rejoindre.
    — On a dû prendre une mauvaise direction quelque part, suggéra-t-il.
    — Impossible. Tout concordait parfaitement jusqu’à présent. Nous avons suivi le trajet d’al-Idrisi à la lettre. Ce devrait être ici. Ce devrait être exactement ici.
    Refusant encore d’accepter son erreur flagrante, elle dévala la pente boisée, puis atteignit une partie plus dégagée pour disposer d’une meilleure vue. Son compagnon lui emboîta le pas.
    Le lac s’étendait jusqu’au bout de la vallée, sur leur droite. Et, de l’autre côté, son extrémité était dissimulée par la forêt.
    Incrédule, Tess contempla la surface de l’eau placide.
    — Je ne comprends pas.
    Reilly balayait également les alentours du regard.
    — Écoute, nous n’aurions sans doute pas dû aller aussi loin. Ce doit être quelque part dans le coin. Nous avons dû nous tromper pendant la montée.
    — Oui, mais où ? répondit-elle sur un ton irrité. Nous avons suivi ce qu’il avait écrit jusqu’à la double crête. Ce devrait être juste ici.
    Elle étudia la carte qu’elle tenait toujours.
    — Pas le moindre lac n’est indiqué.
    Tess leva des yeux éplorés vers lui et lâcha un soupir découragé.
    L’agent spécial passa son bras autour de la jeune femme.
    — Allez, on est tout près. J’en suis sûr. Nous avons roulé pendant des heures. Trouvons une ville, un endroit pour manger. Et comme ça, on pourra reprendre tranquillement tes notes en déjeunant.
    Le village était petit et l’unique lokanta minuscule. L’établissement n’accueillait qu’une clientèle locale. Un vieil homme au visage ridé et aux yeux sombres prit leur commande, qui consista en fait à acquiescer à tout ce qu’il proposait. Deux bouteilles de bière Efes et une assiette de feuilles de vigne atterrirent sur leur table.
    Tess était plongée dans ses notes. Les quelques kilomètres parcourus lui avaient permis de se calmer, mais elle restait inquiète.
    — Mange, lui dit-il. Tu bouderas mieux.
    — Je ne boude pas, murmura-t-elle en relevant des yeux ennuyés vers lui.
    — Laisse-moi regarder.
    — Quoi ?
    Elle lui lançait un regard ardent.
    — Tes notes. Revoyons-les ensemble, pas à pas.
    Elle les repoussa vers lui et s’adossa à sa chaise en serrant les poings.
    — Nous sommes si près ! Je le sens.
    Le vieil homme revint avec deux assiettes de dolmas {28} de choux et de brochettes d’agneau grillé. Reilly le regarda les déposer sur la table, puis il hocha la tête en signe de remerciement avant de se tourner vers Tess.
    — On devrait peut-être lui demander ?
    — Tu plaisantes, Sean ? Cela fait des centaines d’années que Beer el-Sifsaaf n’est pas apparu sur la moindre carte, grommela-t-elle. Il est âgé, mais pas à ce point.
    Reilly ne l’écoutait plus. Il regardait le vieil homme assis un peu plus loin qui lui renvoya un sourire édenté et inclina la tète. Finalement, l’agent du FBI n’y tint plus.
    — Beer el-Sifsaaf ? demanda-t-il au vieillard avec quelque hésitation quant à la prononciation.
    Puis il ajouta plus lentement :
    — Savez-vous où ça se trouve ?
    L’homme sourit en acquiesçant avec vigueur.
    — Beer el-Sifsaaf, répondit-il. Evet.
    Tess redressa la tête, les yeux animés d’une nouvelle flamme. Elle quitta sa chaise pour s’approcher de l’autochtone.
    — Quoi ?
    L’homme hocha de nouveau la tête.
    — Où ? le pressa-t-elle tout excitée. Où est-ce ?
    L’homme continuait d’acquiescer, mais il avait l’air un peu déconcerté. Elle fronça les sourcils, puis réessaya.
    — Nerede ?
    Le vieil homme pointa l’index vers la colline qu’ils venaient de descendre. L’archéologue suivit des yeux son doigt tendu. De la main, il indiquait le nord. Sans attendre, Tess se