Le dernier templier
personnelles ne le fassent pas échouer.
Il y avait beaucoup trop en jeu.
28
Quand les photocopies de Columbia arrivèrent au bureau de Tess cet après-midi-là, elle trouva le paquet trop mince. Après un coup d’oeil, sa déception ne fut que plus grande. Il n’y avait pas le moindre élément utile ou exploitable. Bien sûr, au regard de ce que Clive Edmondson lui avait dit, elle ne s’attendait pas à trouver quoi que ce soit sur les Templiers. Officiellement, ce n’était pas le champ d’étude de William Vance. Il s’était surtout concentré sur l’histoire phénicienne jusqu’au III e siècle avant notre ère. Pourtant, il y avait un lien naturel et potentiellement prometteur entre la Phénicie et l’Ordre du Temple : les grands ports phéniciens de Sidon et de Tyr étaient devenus, mille ans plus tard, de formidables places fortes templières. En quelque sorte, l’archéologue qui voulait jeter un coup d’oeil sur la civilisation phénicienne était contraint de traverser — presque d’éplucher, au sens propre — des strates d’histoire des croisades et des Templiers.
Mais il n’existait rien d’approchant dans les textes envoyés, et pas un ne faisait allusion à la cryptographie ou à la cryptologie.
La jeune femme ressentit un certain découragement. Elle avait déjà passé du temps en bibliothèque à lire et à chercher, et maintenant à parcourir les textes de Bill. Et aucun ne l’avait mise sur la moindre piste.
Elle décida de tenter une dernière recherche sur Internet. De nouveau, elle obtint des centaines d’occurrences quand elle entra le nom de Vance dans le moteur de recherche. Seulement cette fois, elle décida de prendre son temps et de mieux les étudier.
Elle avait déjà consulté une vingtaine de sites quand elle tomba sur un texte qui ne mentionnait Vance qu’incidemment -et en s’en moquant ouvertement. L’article — en réalité, la traduction d’une conférence donnée par un historien français à l’université de Nantes, près de dix ans plus tôt — passait en revue de manière acerbe toutes les idées que son auteur considérait comme sans valeur et qui, selon lui, semaient la confusion dans le champ de recherches plus sérieuses.
Vance était cité aux deux tiers de l’intervention. L’historien racontait qu’il avait même entendu l’idée ridicule, formulée par Vance, selon laquelle Hugues de Payens aurait pu être un cathare, simplement parce que l’arbre généalogique de sa famille indiquait qu’elle était originaire du Languedoc.
Tess relut le passage. Hugues de Payens, le fondateur des Templiers, un cathare ? C’était en effet une hypothèse absurde. Les deux obédiences étaient aussi antagonistes que possible. Pendant deux cents ans, les Templiers avaient été les indéfectibles défenseurs de l’Église. En revanche, le catharisme était un mouvement gnostique hostile à l’Église.
Pourtant, la théorie de Vance possédait quelque chose d’intrigant.
Le catharisme était né au milieu du X e siècle. Il avait emprunté son nom au grec katharos, qui signifiait « pur ». Il se fondait sur l’idée que le monde était mauvais et que les âmes devaient continuellement se réincarner — et même revenir sur terre sous la forme d’animaux, ce qui expliquait le végétarisme des cathares — jusqu’à ce qu’elles puissent échapper au monde matériel et rejoindre le ciel spirituel.
Tout ce en quoi croyaient les cathares était sacrilège aux yeux de l’Église. Ils étaient dualistes et pensaient que, à côté d’un dieu miséricordieux et bon, il y avait une autre divinité tout aussi puissante, mais mauvaise, à l’origine des horreurs et des souffrances du monde. Le dieu bienveillant avait créé les cieux et l’âme humaine ; le mauvais avait emprisonné cette dernière dans le corps humain. Aux yeux du Vatican, les cathares avaient élevé Satan au rang d’égal de Dieu. Aux yeux des cathares, toute possession terrestre était néfaste. De ce fait, ils réprouvaient la soif de richesse matérielle et de pouvoir qui avait corrompu l’Église catholique médiévale.
Comble de l’horreur pour l’Église, les cathares étaient aussi gnostiques. Comme le catharisme, le gnosticisme vient d’un terme grec, gnosis , qui signifie, lui, « connaissance ». Selon cette croyance, l’homme peut entrer en contact direct et intime avec Dieu sans l’intermédiaire d’un prêtre ou de l’Église. Croire
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