Le dernier vol du faucon
du village - cette fois sous les yeux de mon enfant bien-aimé. Il m'a fallu rester, pleurant chaque jour en voyant mon fils malheureux, humilié et battu.
- C'était un monstre!» s'écria Phaulkon, bouillant de colère.
«Et vous, vous croyez-vous donc meilleur?» rétor-qua-t-elle d'un ton acerbe.
«Oui, infiniment plus. Et si vous restez assez longtemps au Siam, vous le constaterez par vous-même. »
Elle eut un pâle sourire. «Je doute que votre épouse vous y autorise. Il est évident que sa rencontre avec Mark lui a causé un choc pénible. »
Il demeura silencieux. Mieux valait, pour l'heure, laisser Maria en dehors de cela.
«Pourquoi êtes-vous venue au Siam?» demanda-t-il tout à coup.
La réponse de Nellie fut immédiate. «A cause du testament de mon mari. »
Il haussa les sourcils.
«Je ne suis pas disposée à en parler maintenant. Mais, naturellement, il y a aussi une autre raison : Mark ne rêvait que d'une chose, connaître enfin son père.
- C'est un gentil garçon. J'aimerais passer un peu de temps avec lui.» Comme elle ne répondait pas, il ajouta avec une évidente sincérité. «J'ai une lourde dette envers lui. »
Il y eut un long silence. Phaulkon ne quittait pas Nellie des yeux. A présent qu'elle avait raconté ses souf-frances, elle semblait avoir retrouvé une forme de sérénité, s'être déchargée de son fardeau.
« Voulez-vous me dire à présent pourquoi vous savez que Somchai ne travaillait pas pour moi ? demanda-t-il.
- Parce que je possède une lettre mentionnant l'identité de son véritable maître. »
Phaulkon la fixa, stupéfait. «Puis-je la voir?»
Elle hésita. «Je ne suis pas encore décidée, Constant.
- Mais, enfin, pourquoi? Je ne comprends pas.»
Il attendit sa réponse avec anxiété. La jeune femme
semblait la proie d'une violente lutte intérieure.
«Nellie, il est essentiel que nous connaissions le nom de celui qui employait Somchai. L'armée française m'accuse d'un crime que je n'ai pas commis, or j'ai besoin du soutien du général Desfarges.
- Je sais tout cela, Constant, répliqua-t-elle sèchement.
- Nellie, je ne crois pas que vous compreniez. »
Elle lui sourit gentiment. « Détrompez-vous. Je comprends parfaitement.
- Mais alors, pourquoi continuer à vous taire ? »
Elle le regarda avec tristesse. « Parce que je ne
veux pas qu'on se serve de moi une fois de plus.»
Il la contempla, perplexe. «Nellie, je n'ai pas l'intention de me servir de vous. Je... je veux seulement vous aider.
- Je n'ai plus confiance en vous, Constant. Cette fois, vous devrez d'abord faire vos preuves avant que je ne consente à vous aider. »
Il soupira. «J'espère seulement qu'il ne sera pas trop tard. Voulez-vous au moins me dire qui employait Somchai ?
- Un général siamois du nom de Petraja. »
Sur ces mots, elle se leva et partit rejoindre Mark.
Après le départ de Nellie, Phaulkon resta longtemps perdu dans ses pensées. Il savait qu'il devait se rendre au Palais pour voir le roi à propos de Som-chai - car seul le Seigneur de la Vie pouvait prononcer ou annuler la sentence de mort. Mais la révélation des terribles souffrances de Nellie et de Mark le troublait encore si violemment qu'il avait besoin de réfléchir seul.
Et puis il y avait cette découverte bouleversante, l'existence d'un fils... un beau garçon âgé de seize ans. Constant se sentait profondément coupable d'avoir abandonné Nellie à son sort. Et quel sort! Quel genre d'homme était-il donc ? Après tout, elle avait peut-être raison de ne plus lui faire confiance.
Ses pensées revinrent à Somchai. Nellie avait déclaré qu'il travaillait pour le compte de Petraja - une information des plus extraordinaires. Pourquoi diable n'y avait-il pas pensé plus tôt? Était-il sage, maintenant, de mettre à mort Somchai ? Car si les assertions de Nellie étaient vraies, il pourrait se révéler nécessaire de confronter Petraja avec l'assassin.
Que pouvait-il faire pour regagner la confiance de la jeune femme? Il aurait aimé le lui demander, mais elle avait quitté la pièce avant de lui en laisser le temps. En fait, il y avait encore tant de choses qu'il souhaitait savoir sur elle. Pourquoi donc refusait-elle de parler du testament de son mari ? Quel était le véritable but de son voyage ? A nouveau, il se demanda à quelle femme la vieille mère Somkit avait fait allusion en disant qu'il devait se méfier de la mère de son enfant. Maria ou Nellie? Dieu du
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