Le dernier vol du faucon
travail, c'était bien ce maudit fils adoptif doté d'une nature brutale et sans scrupules. Il fallait bien qu'il soit bon à quelque chose. Et puis lui aussi haïssait Vichaiyen - le seul homme à l'avoir dominé lors d'un match de boxe. Sorasak ne lui avait jamais pardonné et ce ressentiment, au fil des années, tournait à l'obsession. Oui, Sorasak détestait le farang Phaulkon presque autant que lui. Malgré tous ses torts, pour une fois le garçon pensait juste.
«Si Somchai est toujours en vie, il est sûrement emprisonné dans la maison de Vichaiyen, ici, à Louvo. S'il venait à parler sous la torture, le général français pourrait bien découvrir que Vichaiyen est innocent et décider de le soutenir. Nous ne pouvons prendre ce risque.
- Alors, il faut l'empêcher de parler», approuva Sorasak, le regard dur.
Petraja sourit. «Je vois que tu as compris.
- Ne vous inquiétez pas, père. Je m'en chargerai.»
Une nouvelle vague d'espoir envahit Petraja en le
regardant. Après tout, cette espèce de brute pouvait peut-être se révéler utile.
«Tu as deux tâches importantes à accomplir, fils: éliminer Somchai et découvrir pourquoi mon arrestation a été ordonnée. J'ai besoin de le savoir pour déterminer mon action à venir. »
Sorasak hocha la tête. «Au fait, dit-il tout à coup, un messager m'a chargé de vous remettre ceci.»
Il tendit la lettre à son père qui en examina le sceau, le regard soudain soupçonneux. Sorasak attendit en vain qu'il l'ouvre.
« Le messager m'a dit qu'il attendrait votre réponse dans le village voisin. Il semblait penser que l'affaire était urgente. Si je peux vous être utile... »
Le visage de Petraja s'assombrit. Il jeta un nouveau regard méfiant en direction de Sorasak avant de se décider finalement à ouvrir le pli. Il tenait à deux mains le papier de riz comme s'il voulait le réduire en miettes.
Que diable s'était-il donc passé? Jamais il n'avait demandé à Chao Fa Noi d écrire au roi. Quelque chose était allé de travers. 11 devait y avoir un espion quelque part. N'avait-on pas, pourtant, exécuté ces deux esclaves avec lesquels le prince prenait tant de plaisir? Petraja réfléchit. En réalité, il n'avait pas vu l'exécution de ses propres yeux, se contentant du témoignage d'un garde du palais. Cruelle erreur. Et si, en fin de compte, Chao Fa Noi les avait épargnés pour continuer avec eux ses jeux pervers? Vue sous cet angle, l'affaire devenait plus claire et il était facile de comprendre pourquoi le roi avait ordonné son arrestation. Sans doute l'avait-on informé de ses plans. Mieux valait s'en assurer sur-le-champ car, dans ce cas, il ne pouvait se permettre d'attendre plus longtemps. Il lui fallait agir immédiatement, avec ou sans armée.
Il vit que Sorasak l'examinait avec curiosité. «De mauvaises nouvelles, père? Vous avez l'air inquiet.
- Rien de grave. Seulement un malentendu. » Il était évident que le garçon avait lu la lettre, songea Petraja en croisant le regard fourbe de son fils adoptif. Et d'ailleurs, le sceau avait été trafiqué.
«Je vais te dire de quoi il s'agit, commença-t-il, mais il faut que tu me jures de garder cela pour toi. » Voyant que Sorasak hochait la tête, il reprit: «Chao Fa Noi a eu une aventure avec la sœur d'un de mes anciens officiers, une jeune femme du nom de Daeng. Quand elle a découvert les... autres jeux amoureux de Chao Fa Noi, elle l'a quitté et maintenant il cherche à se faire pardonner. » Petraja affecta de s'en irriter. « Même si j'avais assez de temps pour cela, comment les gens peuvent-ils s'attendre à ce que je m'occupe de ces choses depuis ma retraite dans ce monastère?» Il jeta un regard rapide en direction de Sorasak. « Mais tu as d'importantes affaires à traiter, fils, et il vaut mieux que tu t'en ailles maintenant. »
Sorasak le dévisagea un instant, l'air pensif «J'accomplirai les tâches que vous m'avez confiées,
père, mais quand ce sera fait, j'attendrai en retour une faveur. »
Petraja se força à sourire. «C'est tout naturel, mon fils. Tu n'as qu'à demander.
- Très bien. » Il plongea ses yeux noirs dans ceux de Petraja. «Voyez-vous, je sais qui est mon véritable père. Les deux héritiers légitimes du roi étant en disgrâce, il ne serait donc pas illogique de voir son descendant le plus proche lui succéder sur le trône. »
Le visage de Petraja se durcit.
«Oui, père, reprit Sorasak en retenant un sourire. Il s'agit bien de
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