Le dernier vol du faucon
impressionnant.
Les deux hommes ne s'aimaient pas et les yeux du boxeur se plissèrent quand il regarda Phaulkon, l'homme qui l'avait fait reléguer dans la province la plus éloignée du royaume lorsqu'il avait été nommé Barcalon. C'était un exil à peine déguisé que Phaulkon et Petraja, pour une fois d'accord, avaient décidé de concert. Le général voulait éloigner ce fils encombrant qui se comportait comme un rustre car, au Siam, les parents étaient tenus pour responsables des actes de leurs descendants, même lorsque ceux-ci étaient adultes. La véritable filiation de Sorasak étant un secret bien gardé, la grande majorité des gens pensaient en effet que c'était à Petraja de répondre des fautes du garçon.
Phaulkon le regarda avec circonspection.
«Qu'est-ce qui vous amène à Louvo, seigneur Sorasak? Vos devoirs ne vous retiennent-ils pas à Pitsa-nuloke ?
- Mes devoirs sont envers mon roi, Excellence, répliqua Sorasak avec une pointe d'insolence. Apprenant qu'il était malade, je suis venu lui présenter mes respects. »
Il en fallait plus pour abuser Phaulkon. Une idée le traversa et il décida de jouer la comédie.
«Le roi est en effet très mal, soupira-t-il, l'air résigné. Quand il n'est pas inconscient, son esprit divague et, récemment, il voulait qu'on arrête tout le monde autour de lui. Hier c'était moi et auparavant, le croi-rez-vous, votre honorable père... »
Une lueur traversa les yeux sombres de Sorasak.
«Qui sait où ces fantaisies vont l'entraîner la prochaine fois? reprit Phaulkon du même ton faussement las. Le médecin dit que c'est une forme de délire. Nous ne pouvons qu'attendre et prier. »
Sorasak le regarda fixement. «Quelqu'un a-t-il été arrêté à ce jour?
- Bien sûr que non. Au début, le capitaine des gardes a cru que l'ordre était sérieux mais, à présent, il fait semblant d'obéir. » Phaulkon secoua la tête d'un air découragé. « De toute façon, le Seigneur de la Vie oublie ses ordres dès qu'il les a donnés. C'est une situation vraiment terrible. »
Il fit une pause. «Et comment va votre honorable père ? Il y a quelque temps que nous ne l'avons vu. Le Seigneur de la Vie réclamera sûrement sa présence dès que sa fièvre aura baissé. »
Méfiant, Sorasak se rembrunit. « Mon père aussi est souffrant, Excellence. C'est la raison pour laquelle je suis venu ici de mon propre chef pour prendre des nouvelles du roi.
- Je suis désolé de l'apprendre. Mais vous pouvez lui dire qu'il n'a pas manqué grand-chose, dit négligemment Phaulkon. Le Seigneur de la Vie ne nous reconnaît pratiquement plus. »
Sorasak continuait de l'observer d'un œil calculateur. «Je le lui dirai quand je le verrai. »
La porte de la chambre s'ouvrit et de Bèze fit son apparition. Après s'être incliné devant Sorasak, il allait ouvrir la bouche pour parler à Phaulkon lorsque ce dernier se hâta d'intervenir.
«J'étais justement en train de dire au seigneur Sorasak combien il était triste que Sa Majesté ordonnât d'arrêter tous ceux qui tombent sous ses yeux.» Il eut un sourire affligé. «Personne n'y a échappé, semble-t-il. Pas même son meilleur ami, le général Petraja. »
L'intelligent petit jésuite eut vite fait de comprendre. Entrant dans le jeu, il s'exclama: «Dieu du ciel, les gardes ont enfin cessé de prendre ses ordres au sérieux. Cela commençait à devenir grotesque.
- Espérons que cette crise ne durera pas. Si je peux faire quoi que ce soit pour vous pendant votre séjour à Louvo, seigneur Sorasak, je vous prie de me le faire savoir. »
Il était préférable de se montrer courtois envers l'irascible garçon. Son mauvais caractère et sa susceptibilité n'étaient que trop légendaires. Tout à fait le genre d'homme à agir avant de réfléchir. Il se repaissait de violence comme un glouton de nourriture. Non que Phaulkon eût peur de lui, mais sa nature imprévisible faisait de lui un adversaire capricieux qu'il était préférable d'apaiser dans toute la mesure du possible.
Sorasak lui jeta un coup d'œil circonspect. «Au fait, Excellence. J'ai appris que vous aviez arrêté un de mes amis et j'aimerais en connaître la raison.»
Phaulkon eut l'air surpris. «De qui s'agit-il, mon Seigneur?
- D'un homme du nom de Somchai. Nous avions l'habitude de boxer ensemble.
- Ah... Somchai. Il a été condamné à mort pour le meurtre d'un prêtre catholique. »
En réalité, Phaulkon était très ennuyé de la
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