Le dernier vol du faucon
cherché à se rapprocher de lui pour obtenir son pardon. La lettre reprochait à Petraja de n'avoir pas su obtenir que la «sœur de Dawee» lui pardonne et réponde à sa demande de réconciliation adressée voilà déjà plusieurs jours au Palais. La lettre concluait sur un ton de reproche en insistant sur le fait que Petraja avait été l'organisateur de toute cette affaire.
Les sourcils froncés, Sorasak réfléchissait tout en humectant le sceau de sa salive avant de le remettre en place. Ainsi, son père adoptif était de mèche avec Chao Fa Noi - probablement en vue de la succession. Encore une fois, on le tenait, lui, en dehors du complot. Mais ça ne se passerait pas comme ça !
Quand Petraja apparut enfin au portail, Sorasak fut tout d'abord surpris par sa robe safran et son crâne rasé. Le général avait l'air inquiet et agité, bien différent de l'orgueilleux et autoritaire commandant qu'il avait connu jusqu'alors.
« Bienvenue, fils, dit Petraja. Je n 'ai guère de temps pour te parler car l'abbé est très strict en matière de protocole. Apprends seulement que je désire te voir séjourner quelque temps à Louvo car j'ai d'importantes tâches à te confier. » Il plongea son regard dans celui de son fils adoptif « Des tâches vitales. Le Seigneur de la Vie a ordonné mon arrestation et je suis contraint de me cacher ici. Dans ce monastère, au moins, je suis intouchable. Mais j 'ai besoin de découvrir pourquoi cet ordre a été donné. Il faut que tu ailles voir le roi. »
Sorasak faillit sourire. Il était satisfait d'avoir réussi à déchiffrer le contenu de la lettre et de constater que Petraja avait besoin de lui. En acceptant de se rendre à Louvo, il aurait de surcroît toutes les chances de rencontrer le roi. Il s'en félicitait car il avait des questions personnelles à traiter avec lui.
«Est-ce bien le Seigneur de la Vie qui a ordonné votre arrestation ? »
Les lèvres de Petraja remuèrent silencieusement comme s'il avait du mal à parler. «Oui, fils, répondit-il enfin.
- J'ai pourtant entendu dire que l'ordre venait du Barcalon. »
Petraja hésita à nouveau, ne sachant jusqu'à quel point il pouvait se confier à son fougueux rejeton. Il semblait cependant préférable de lui apprendre la vérité. «C'est un bruit que j'ai fait répandre. En réalité, l'ordre émane du Seigneur de la Vie et j'ai besoin de savoir pourquoi.
- Dans quel état de santé se trouve le roi ?
- Très mauvais, mais il a encore des moments de lucidité. »
D'un mouvement du bras, Petraja indiqua les murs du monastère.
«Il est indispensable que je sorte d'ici car il m'est impossible de lever une armée de l'intérieur de cette enceinte. Toutefois je ne peux pas prendre à nouveau le risque d'être arrêté en m aventurant à l'extérieur. C'est pourquoi tu dois découvrir la vérité. » Il observa une courte pause. «Te souviens-tu de Somchai?
- Votre espion au séminaire?»
Sorasak avait eu de la sympathie pour lui. C'était un homme brave au combat et un assez bon boxeur.
«C'est bien de lui qu'il s'agit.»
Chaque fois qu'il repensait à Somchai, Petraja se sentait traversé par une rage difficilement contrôlable. L'imbécile! Se faire prendre après tous ces mois de patient entraînement ! A force de persévérance, il avait réussi à l'infiltrer dans le séminaire farang en le faisant passer pour un converti. Quel gâchis! C'était pourtant l'un de ses agents les plus capables. Le meurtre de Malthus avait été une idée géniale, brillamment exécutée - un élément essentiel de sa stratégie pour dresser le général français contre Vichaiyen. Comme prévu, les jésuites montraient tous du doigt le Barca-lon, à présent. Et l'on était en droit d'espérer que Desfarges cesserait enfin de tergiverser pour se rallier à leur cause. Cela faisait près de quatre jours que les hommes de Vichaiyen tenaient Somchai prisonnier et ils devaient l'avoir déjà torturé. Avait-il révélé quelque chose? Petraja savait que l'homme avait une volonté de fer. Lui arracher des aveux ne serait pas une tâche aisée. Si le roi était trop malade pour prononcer la sentence de mort, il était même possible que Somchai soit toujours en vie. Vichaiyen n'oserait pas prendre l'initiative de le faire mettre à mort sans le consentement de Sa Majesté.
Le moyen le plus sûr de garantir le silence de Somchai était de l'éliminer. Petraja regarda Sorasak. Si quelqu'un pouvait faire ce vilain
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