Le dernier vol du faucon
lenteur avec laquelle l'affaire évoluait. Somchai n'avait pas parlé, même sous la torture, et l'on n'attendait plus que la sentence de mort venant de Sa Majesté. Le dernier espoir de Phaulkon était que l'homme finisse par céder devant la menace d'être dévoré par un tigre. Quant à Nellie, elle continuait à se montrer réticente au sujet de la preuve qu'elle prétendait détenir.
Sorasak prit une mine sceptique. «J'ai quelque mal à croire en la culpabilité de Somchai, Excellence. N'oubliez pas qu'il est lui-même catholique.
- Cependant des témoins l'ont bel et bien identifié, seigneur Sorasak.
- Je crains que la preuve de son crime ne soit indéniable», renchérit de Bèze.
Le prêtre salua et regagna la chambre du roi. L'oeil sombre, Sorasak le regarda disparaître.
« Les témoins peuvent aussi se tromper, Excellence, siffla-t-il, et les témoignages être achetés. Si vous me le permettez, je désirerais l'interroger moi-même.
- Je crains que ce soit impossible, mon Seigneur. Il est à l'isolement au cachot.»
Les yeux de Sorasak se firent tout petits et une veine se mit à battre sur son cou de taureau. «Je ne demande pas à le voir seul, Excellence. Si vous le souhaitez, je suis prêt à l'interroger en présence de vos gardes. »
Phaulkon n'attendait rien de bon de cet homme. Il pouvait aussi bien essayer de tuer le prisonnier pour l'empêcher de parler.
«Je suis désolé, mon Seigneur, l'homme est condamné. »
Sorasak le fixa d'un air irrité. «Seul le Seigneur de la Vie peut prononcer une peine de mort.
- Et je suis certain qu 'il le fera dès qu'il sera rétabli. »
Les yeux de Sorasak se rétrécirent encore. « Pas s'il
apprend que Somchai est un de mes amis. »
Avant que Phaulkon ait pu réagir, Sorasak s'était élancé dans la chambre royale. Phaulkon l'y suivit rapidement et ils se prosternèrent côte à côte devant le lit du monarque. On n'entendait que l'habituelle respiration hachée de Naraï et quelques ronflements.
En les voyant entrer, de Bèze esquissa un nouveau signe d'impuissance.
Sorasak s'avança en rampant vers la princesse et la salua à voix basse. Phaulkon fut surpris qu'elle ne lui reproche pas ce manquement à l'étiquette.
«Honorable Princesse, poursuivit Sorasak à mi-voix, j'ai appris que votre noble frère ordonnait d'arrêter tout le monde. »
L'estomac de Phaulkon se noua. Son stratagème allait-il être dévoilé? La princesse joignit les mains au-dessus de son front en un geste de prière et murmura avec désespoir:
«C'est chaque jour quelqu'un d'autre, jeune homme. Puisse le Seigneur Bouddha rendre bientôt à mon noble frère sa raison. »
Phaulkon poussa un soupir de soulagement. L'astucieux jésuite avait réussi à la prévenir. Sorasak eut l'air satisfait.
« Dès que mon père ira mieux, je lui demanderai d'amener son propre médecin. »
Phaulkon réfléchissait rapidement. Il devait faire en sorte que les soi-disant délires du roi soient connus de tout le Palais.
Sorasak s'adressa à lui. «Puis-je vous voir à l'extérieur, Excellence?»
Phaulkon suivit de nouveau Sorasak dans l'antichambre où ils se redressèrent. Le boxeur le regarda droit dans les yeux.
«Je vais être franc avec vous, Excellence. Vous savez, je le pense, que lors de sa dernière visite ic mon père n'a pas été traité avec le respect qui lui es dû. Il en a été très contrarié et cela l'a même rendi malade. Je crois comprendre à présent ce qui s'es. passé, mais il ignore lui-même ces circonstances. Nous sommes tous préoccupés par l'état de santé du Seigneur de la Vie, et j'aimerais que mon père amène au chevet du roi le plus tôt possible son meilleur praticien. Mais, au vu de ces derniers malentendus, je dois vous demander de lui délivrer un sauf-condu t que je lui remettrai. Sans ce document et des excusts appropriées, je doute qu'il me soit possible de persuader mon père de remettre un pied au Palais.
- Je comprends parfaitement, mon Seigneur», répondit Phaulkon en affectant la plus grande compréhension. «À la vérité, certains membres de la garde du Palais seraient gênés de se retrouver face à votre honorable père après cette regrettable méprise. C'est pourquoi je dois vous demander en retour qu'aucune représaille ne soit exercée à leur encontre. Si vous êtes d'accord sur ce point, je préparerai le document que vous me demandez. »
«Somchai est toujours vivant», annonça Sorasak à Petraja qu'il
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