Le dernier vol du faucon
général pour connaître son état d'esprit.
- Très bien, Vichaiyen. Mais nous t'ordonnons d'obtenir de lui par la même occasion qu'il vous donne asile, à toi et à ta famille, au cas où la situation se détériorerait et menacerait votre vie. »
Devinant les protestations de Phaulkon, le roi ajouta vivement : « Ou encore si notre mort plus proche que prévu te laissait sans maître à servir. »
Phaulkon sourit. Comme c'était intelligemment présenté! Il pouvait difficilement s'élever contre cela...
«Auguste et Puissant Seigneur, vos désirs sont mes ordres.
- Eh bien ! notre désir reste et restera, même par-delà la tombe, que tu prennes soin de ta sécurité, Vichaiyen.
- Auguste et Puissant Seigneur, ne serait-il pas
sage de lancer dès maintenant un mandat d'arrêt officiel contre Petraja?
- Quand un démon a plusieurs visages, le plus sage est de ne pas dévoiler ouvertement son jeu. Notre meilleure chance de l'attirer jusqu'à nous est de lui faire croire qu'il jouit toujours de notre affection. »
28
Sunida jetait autour d'elle des coups d'œil anxieux en parcourant le chemin de boue séchée qui menait de la maison de Phaulkon à la rive du fleuve. Pour la rassurer, elle adressa un sourire à Nellie qui marchait près d'elle, vêtue d'un simple panung mauve et d'une écharpe assortie.
Elle cheminait pieds nus, mais Nellie, dont les pieds n'étaient pas habitués au sol rugueux, portait des mules de style musulman qu'elle avait achetées plusieurs semaines auparavant au marché de Mergui. Le fleuve était proche et l'on pouvait déjà apercevoir ses berges grouillant de monde. Jamais encore Sunida n'avait vu une foule aussi dense. Beaucoup transportaient de gros ballots sur leurs épaules ou en équilibre sur leur tête et il était clair que tous fuyaient la menace de guerre. Des chiens efflanqués, l'air perdu, erraient çà et là, fouillant le sol en quête de nourriture. Des marchands, profitant de l'aubaine, vendaient des nouilles sur des comptoirs de fortune dressés en hâte au bord du fleuve. L'ambiance était tendue et les visages avaient perdu leur sourire légendaire. Nombreux furent ceux qui dévisagèrent les deux femmes -surtout Nellie - d'un air soupçonneux.
Dans le ciel, des nuages d'orage annonçaient une forte pluie de mousson et l'humidité avait atteint un degré déplaisant. Peu habituée à ce climat, Nellie souffrait encore plus que les autres et son visage étail trempé de sueur.
Comme l'atmosphère avait changé au cours de ces trois derniers jours ! songea Sunida. Après son retoui d Ayuthia pour apporter au roi la réponse de Yotatep elle avait eu l'honneur d'être chargée d'une nouvelle mission royale. Il lui fallait cette fois prier Chao Fa Noi de regagner Louvo pour se réconcilier, après tant d'années, avec son royal frère.
Mais les visages inquiets des passants semblaieni confirmer les dernières rumeurs entendues au Palais on disait que les Français se préparaient à attaquer e que Petraja allait être rappelé du monastère par le ro mourant pour être nommé régent et défendre le pay< contre l'invasion farang. Sunida savait qu'il n'y avai rien de vrai dans ces racontars, mais la population elle, était disposée à les croire - encouragée en ceh par les moines. Elle remarqua que de nombreux pay sans étaient armés de frondes ou de longs bâtons pointus.
Elle se demanda si elle avait eu raison de refuser l'escorte armée que le Seigneur de la Vie lui avait pro posée. Elle avait cru tout d'abord qu'en ces temps troublés cela n'aurait fait qu'attirer l'attention sur elles - en particulier sur Nellie. Une nombreuse escorte accompagnant une femme farang pouvait être mal interprétée alors que, seules et sans armes, elles éveilleraient moins les soupçons. Mais en observant à présent la foule hargneuse se presser près du fleuve, elle se demanda, mal à l'aise, si cette décision avait été la bonne.
Elle regarda Nellie. Son maître lui avait demandé d'accompagner l'Anglaise jusqu'à Ayuthia et, là, de veiller à ce qu'elle s'embarque sur un bateau pou " gagner Bangkok en toute sécurité. Ravie, Sunida avait accepté de bon cœur. Elle se sentait étrangement attirée par cette femme farang, mère du fils premier-n > de son maître et, malgré la barrière de la langue, il lui semblait qu'elle pouvait communiquer avec elle pa: intuition. Elle remarqua que Nellie était aussi en état d'alerte, même si elle faisait de son
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