Le dernier vol du faucon
l'attention. Et, d'ailleurs, où iraient-elles? Il n'y avait qu'une seule route pour Ayuthia. Peut-être trouveraient-elles un peu plus loin au bord du fleuve un village plus important où elles pourraient louer un bateau. Elle se renseignerait à la première occasion.
La foule se remit en marche et parvint bientôt à une autre clairière où elle se dispersa en cercle. Sunida et Nellie virent à nouveau les officiers français, immobiles et manifestement épuisés. Ils semblaient terriblement affaiblis par la chaleur, la faim et la soif. Pourtant, la seule vue de leurs armes suffisait à maintenir les Siamois à distance.
Ils se tournèrent vers les paysans et montrèrent leurs bouches d'un air suppliant. Pour toute réponse, les Siamois pointèrent le bras en direction de leurs mousquets. Le geste était clair: s'ils déposaient leurs armes, ils leur apporteraient de la nourriture. Déconcertés, les Français ne savaient que faire. La situation semblait dans une impasse.
Soudain le robuste paysan aux tatouages s'approcha de Sunida et lui demanda si elle parlait la langue farang. Voyant qu'elle secouait négativement la tête, il plissa les yeux.
«Alors, comment fais-tu pour communiquer avec la mem ? demanda-t-il en désignant Nellie.
- Par gestes, répondit Sunida en faisant de son mieux pour dissimuler son anxiété.
- Je ne te crois pas», rétorqua l'homme d'une voix dure.
Il s'avança et la saisit par le bras. Aussitôt, Nellie fit un pas vers lui pour le retenir. Surpris, il se tourna vers elle pour la fixer avec colère. Le cœur de Nellie battait à tout rompre mais, bravement, elle soutint son regard.
L'homme s'adressa à nouveau à Sunida.
« Tu vas prendre la femme farang avec toi et parler à ces officiers, ordonna-t-il. Tu leur feras savoir que s'ils veulent de la nourriture, ils devront d'abord déposer leurs armes.
- Mais je vous répète que je ne parle pas leur langue, insista Sunida.
- Eh bien, tu n'auras qu'à communiquer avec eux par signes comme tu le fais avec la femme farang», lança-t-il rageusement.
À ces mots, un murmure d'assentiment courut dans l'assemblée. Sunida sentit que le vent tournait. Il n'était pas prudent de s'opposer plus longtemps à cette foule surexcitée. Elle fit signe à Nellie de la suivre et elles s'avancèrent vers les officiers farangs, l'homme tatoué marchant sur leurs talons. Elles virent avec désolation les Français leur lancer des regards chargés d'espoir. Sunida priait pour qu'ils ne les saluent pas en amis. Un silence menaçant tomba sur la clairière tandis que tous les yeux étaient braqués sur les deux femmes.
Heureusement, l'officier supérieur ne fit pas mine de les reconnaître et se contenta de regarder Nellie d'un air suppliant.
«Aidez-nous, madame. Nous avons désespérément besoin d'eau et de nourriture. Je vous en prie. »
Nellie se tourna vers le paysan et tenta de lui faire comprendre ces paroles par signes.
Mais l'homme secoua la tête.
«Dis-leur qu'ils doivent d'abord déposer leurs armes», lança-t-il à Sunida.
Voyant qu'elle hésitait et craignant de voir les Français perdre leur seul moyen de défense, il se mit en colère.
«Allons, qu'attends-tu! Si tu n'obéis pas, vous subirez toutes deux le même sort qu'eux. »
Sunida fit de son mieux pour traduire cette menace à l'intention de Nellie.
«Ils exigent que vous déposiez d'abord vos armes avant de vous apporter à manger», transmit-elle à l'officier supérieur.
Ce dernier eut l'air perplexe. «Pourquoi? Dites-leur que nous ne leur voulons pas de mal. Nous désirons seulement reprendre quelques forces. »
Il était trop difficile de faire comprendre la nuance par gestes et l'homme tatoué donnait des signes d'impatience. Il cria un ordre et plusieurs hommes partirent en courant.
Une lueur d'espoir s'alluma dans les yeux de l'officier. « Sont-ils allés chercher de la nourriture ? demanda-t-il à Nellie.
- Je l'ignore, répondit-elle. Je ne parle pas leur langue, mais il est clair qu'ils ont peur de vos armes. Je ne pense pas que vous devriez les abandonner.»
L'officier hocha la tête sombrement.
«S'il nous arrivait quelque chose, voulez-vous en informer le général Desfarges ? »
Nellie acquiesça tout en se demandant avec angoisse si elle aurait davantage de chances qu'eux de revoir le général.
« Bien entendu, mais espérons que cela ne sera pas nécessaire. »
Autour d'eux, le cercle se refermait lentement. Ils étaient
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