Le dernier vol du faucon
mère?
- Certainement, Mark. Mais j'étais jeune alors, à peine plus âgé que toi aujourd'hui et j'avais soif de voir le monde. Naturellement, ajouta-t-il, je n'avais pas la moindre idée que Nellie t'attendait quand je suis parti. »
Mark se força à regarder son père au fond des yeux: «Si vous l'aviez su, l'auriez-vous épousée?»
Phaulkon hésita. «C'est une question difficile, et je me la suis posée fréquemment ces derniers temps. La vérité est que je l'aurais sans doute épousée mais que je serais un jour ou l'autre parti chercher fortune malgré tout. » Il regarda son fils et vit que cette réponse ne semblait guère le rassurer. « Mais je suis sincèrement heureux que vous soyez tous les deux venus me retrouver ici, Mark, et je suis fier de t avoir pour fils. »
Le garçon eut l'air soulagé. «J'aime ce pays, père. Ici, il n'y a pas de honte à être un enfant illégitime.
- Et il ne devrait pas y en avoir. C'est une idée ridicule.» Phaulkon le regarda avec affection. «J'aimerais que tu restes au Siam, Mark, car un bel avenir t'y attend. Du moins, ajouta-t-il pensivement, si je réussis à contrôler la situation.
- J'aimerais tant vous aider.
- Tu le feras en son temps. Pour l'instant, tu agis exactement comme il le faut en apprenant la langue et en découvrant le pays. Si ta mère réussit à obtenir le concours du général Desfarges, nous pourrons venir à bout de Petraja rapidement.
- Et si elle n'y parvient pas?
- Alors nous devrons lutter avec nos propres moyens. La parole du roi fait encore loi et si Petraja quitte le monastère, il sera arrêté par les gardes du palais. »
Un domestique se présenta à la porte et informa son maître qu'un groupe d'officiers français venait d'arriver de Bangkok.
Phaulkon se tourna vers Mark avec un sourire. «Voici peut-être les bonnes nouvelles que nous attendons. »
Mark lui jeta un regard anxieux. «Je ferais mieux de vous laisser, père. Il n'est pas nécessaire qu'ils me voient. »
Il allait partir mais Phaulkon le retint d'une main ferme par l'épaule. «Tu n'as aucune raison de te cacher. Il est temps que ta présence ici soit officiellement reconnue. »
Mark hésitait toujours, mal à l'aise. Que faire si les Français reconnaissaient en lui le garçon qu'ils avaient reçu au fort, le visage dissimulé par des pansements? Sa mère leur avait menti sur son identité. Ne seraient-ils pas furieux d'avoir été dupés?
«Fais-les entrer», ordonna Phaulkon sans lâcher le bras de son fils.
Mark le supplia du regard une fois encore mais il ne se laissa pas fléchir.
« Comment est ton français, Mark ?
- Pas trop mauvais, père.
- Bien. Dans ces conditions tu pourras entendre par toi-même où en sont nos affaires. »
Un instant plus tard, trois officiers français vêtus de leur uniforme militaire pénétrèrent dans la pièce et s'inclinèrent. Phaulkon reconnut le beau major de Beauchamp et le jeune Desfarges, l'aîné des deux fils du général, qui commençait à ressembler à son père par sa corpulence. Le troisième, le lieutenant de Fret-teville, était un homme mince et élégant doté d'une moustache impeccablement soignée.
«Bienvenue à Louvo, messieurs, dit aimablement Phaulkon. Je vous attendais depuis quelque temps. Puis-je vous présenter mon fils Mark qui vient d'Angleterre ? »
Les officiers se tournèrent vers le garçon et l'examinèrent avec curiosité.
«J'espère que vous apportez de bonnes nouvelles», poursuivit Phaulkon en leur offrant de prendre place sur les coussins.
Il observa Beauchamp. C'était son préféré, un homme intègre, loyal, sincèrement attaché au Siam et à son peuple. Son expression le renseigna mieux que n'importe quel discours et il avait deviné sa réponse avant même qu'il n'ouvre la bouche.
« Hélas, mon Seigneur, le général Desfarges a décidé de rester au fort...» Les yeux bleus de Beauchamp lancèrent un éclair. «Je ne vous cacherai pas que, tous trois, nous avons tenté par tous les moyens de le persuader de conduire son armée à Louvo. Mais tout ce que nous avons réussi à obtenir, c'est l'autorisation de venir en personne vous communiquer cette malheureuse décision. J'ajouterai que cela même ne fut pas facile en raison du sort affreux réservé récemment à nos camarades.
- J'aurais pensé que cet incident aurait justement incité le général à entrer en action. »
L'orgueil de Phaulkon l'empêcha de manifester trop ouvertement sa
Weitere Kostenlose Bücher