Le dernier vol du faucon
lancer dans la bagarre. On comptait parmi eux quelques vétérans: Vasco Pinhero - bap-tisé le singe -, capable de grimper aux arbres les plus élevés, d'escalader les murailles les plus hostiles et de sauter d'une incroyable hauteur sans jamais se rompre quoi que ce soit; Antonio Callao, connu sous le nom d'Hercule, qui avait une fois forcé un buffle adulte à se coucher sur le flanc à la suite d'un pari; les frères Pereira de Goa qui s'étaient battus aux côtés des princes hindous contre l'année moghole; trois Français, voleurs de grands chemins, venant de Madagascar et dont la tête était mise à prix; l'Espagnol Fernando Sanchez qui avait réussi à plier les barreaux de sa prison à Manille pour s'enfuir; Van Fliets, parti du Cap; un Anglais qui s'était enfui de la colonie de Nouvelle-Angleterre ainsi qu'une douzaine d'autres mercenaires de la même espèce, pour la plupart métis, fruits d'unions hasardeuses entre d'anciens soldats portugais et de pauvres servantes siamoises.
Joao souriait radieusement à Mark chaque fois qu'une nouvelle recrue venait rejoindre les rangs. S'il ne trouvait pas chez lui l'un de ses hommes, il lui laissait pour instruction de rejoindre la porte latérale du Palais dès que possible. Il ne fallut pas longtemps pour qu'une bonne vingtaine d'hommes armés jusqu'aux dents se dirigent vers les murs du Palais, prêts à en découdre pour la plus grande gloire du farang Barcalon.
Phaulkon resta un instant sur le seuil de la porte, l'oreille tendue. Ne voyant et n'entendant rien, il fit signe aux Français qui étaient juste derrière lui de le suivre. A peine Fretteville, le dernier des trois, eut-il franchi le seuil que la porte se referma brutalement, coupant Phaulkon de sa garde personnelle. Il se retourna aussitôt. Dissimulé contre le lourd battant, un garde siamois était en train de pousser hâtivement les verrous. Le jeune Desfarges chargea mais l'homme l'esquiva et. en retour, pointa sa lance sur Beauchamp. Rapide comme l'éclair, Phaulkon écarta à temps l'of-ficier et la lance ne fit que l'effleurer sur le côté. Abandonnant son arme, le Siamois s'enfuit à toutes jambes en emportant les clés. Desfarges et Fretteville le poursuivirent à travers une cour voisine, mais l'homme courait vite et l'écart se creusa entre eux.
Le garde se mit alors à crier à l'aide. Les Français, alarmés, retournèrent vivement sur leurs pas. Entretemps, Phaulkon et Beauchamp examinaient le verrou en bois de teck muni d'une armature de fer. Il ne serait pas facile de le briser.
«Vous m'avez sauvé la vie, bredouilla Beauchamp, vivement ému.
- Vous êtes en train de risquer la vôtre pour moi», répondit Phaulkon.
La porte était en bois massif et, pour l'enfoncer, il aurait fallu un bélier. Quant aux murs du Palais, trop hauts pour être escaladés sans l'aide d'une échelle, ils étaient cependant assez larges pour qu'on puisse y marcher. Phaulkon maudit son impétuosité naturelle qui l'avait empêché de voir le piège. Heureusement, Joao Pareira était en route. Le rusé Portugais trouverait le moyen de franchir l'enceinte.
« Que faisons-nous à présent ? »
Le jeune Desfarges et Fretteville le regardaient, attendant ses instructions.
«Nous allons emprunter ce passage voûté, dit Phaulkon en désignant la cour devant eux. Puis nous traverserons les jardins et deux autres cours pour gagner l'entrée du Palais intérieur. Il faut absolument trouver le roi. »
Ils se dirigèrent en hâte vers le passage, leurs pas rapides martelant la terre sèche. Personne n'était en vue. Abrités par ses hauts murs de briques, la cour semblait totalement déserte. Phaulkon ouvrait la marche en compagnie de Beauchamp, les deux autres officiers suivaient.
Ils venaient de franchir le passage voûté et de déboucher dans la cour suivante quand une douzaine de Siamois surgirent de l'ombre. Le petit groupe fut aussitôt cerné. Phaulkon n'était pas armé mais les
Français tirèrent leur épée et firent face à leurs adversaires, également armés - fait totalement exceptionnel au Palais où les armes extérieures étaient proscrites. Phaulkon eut un mauvais pressentiment devant les changements récents dont il commençait à se rendre compte. Si ces hommes étaient ceux de Petraja et s'ils circulaient armés entre ces murs sans être inquiétés, jusqu'où pouvait bien aller le contrôle exercé par le général siamois? Où était la garde personnelle du roi? Phaulkon ne
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