Le dernier vol du faucon
les premiers. Bien sûr lui, Sorasak, se serait contenté de lever une armée et d'assiéger le fort sans tant de manières, mais son père s était mis dans la tête qu'il fallait que les farangs attaquent d'abord. Il pourrait ainsi prétendre agir par légitime défense et tous les courtisans doutant encore que le Seigneur de la Vie ait voulu s'en prendre à ses honorables hôtes approuveraient son action.
Il leva les yeux. Maria se tenait sur le seuil de la porte, vêtue d'un kimono bleu pâle, ses beaux cheveux noirs ramassés en chignon. Il la contempla, frappé par sa pâle beauté. Une fois, il avait aperçu des femmes cir-cassiennes dont le shah de Perse avait fait don au Seigneur de la Vie. Elles étaient pâles également mais grandes comme les farangs et plus lourdes. Celle-ci avait une peau de porcelaine et était de proportions parfaites. Le léger renflement de son ventre ne la déparait même pas. Il se la représenta nue et soumise à lui.
Elle le regardait sans sourire. Il était accroupi à côté d'un de ses fauteuils portugais et elle surprit son regard concupiscent. C'était une brute, fort comme un taureau, avec de petits yeux à peine visibles dans son épaisse tête carrée.
«A quoi dois-je cet honneur? demanda-t-elle en s'avançant d'un pas. Etes-vous venu me donner des nouvelles de mon mari ? »
Toutes sortes de rumeurs circulaient à Ayuthia concernant le sort de Phaulkon, mais elle n'avait eu aucun contact avec lui depuis sa rencontre avec cette Anglaise à Louvo. En apprenant les rumeurs inquiétantes qui circulaient à son propos, la colère de Maria s'était d'abord quelque peu atténuée, mais les dernières révélations de Chuchit l'avaient ranimée et, désormais, aucun sort ne lui semblait assez dur pour satisfaire sa soif de vengeance.
«Votre mari s'est échappé, madame. Je suis venu vous dire qu'on le recherche comme criminel et que si vous l'accueillez ici, vous serez considérée comme sa complice. Le Seigneur de la Vie a ordonné lui-même son arrestation.»
Maria le regarda bien en face. «Il n'est pas ici, mon Seigneur, je peux vous l'assurer, ni à Bangkok. »
Sorasak lui jeta un regard circonspect. Un étrange rictus tordit la bouche de Maria quand elle ajouta: «Voyez-vous, il ne quitterait jamais le Seigneur de la Vie. Il est bien trop entêté pour cela. »
Sorasak la contempla avec une suspicion grandissante. Pourquoi parlait-elle ainsi? Et pourquoi souriait-elle de manière aussi bizarre?
«Je pourrais vous aider à le trouver», proposa-t-elle.
Le prenait-elle pour un idiot? «Vraiment? fit-il. Et comment cela ? »
Elle se mordit la lèvre. « Par sa seconde épouse.
- Celle à laquelle il rendait visite tous les jours au Palais? Elle aussi a disparu.»
Maria serra les poings et enfonça rageusement ses ongles dans ses paumes.
«Si vous voulez bien me suivre. Je vais vous conduire à elle... »
Elle se dirigea vers la porte. Sorasak la suivit prudemment. Quelle sorte de piège était-ce là? Est-ce qu'elle essayait de le détourner de la bonne piste?
Sur le seuil, elle se retourna vers lui. «Mais, en échange, je vous demande une faveur. Je veux que vous arrangiez une rencontre avec votre père. Je me rendrai à Louvo dès que le rendez-vous sera fixé. »
Il la regarda, toujours sceptique. «Noble Dame, ce sera fait.
- Bien. À présent, allons au Palais royal. La concubine de mon époux y est prisonnière. Mais je pense avoir assez d'influence pour la faire relâcher. »
37
Il y avait maintenant quatre jours que Phaulkon était dissimulé dans sa cachette secrète. Il enduisait son pied de pommades et faisait des mouvements pour
se garder en forme. C était une chance que les bourreaux de Petraja aient été arrêtés à temps car la brûlure n'était que superficielle. Le membre semblait un peu moins enflé mais la blessure n'était pas encore guérie. Malgré tout, il sentait les forces lui revenir peu à peu. Il en aurait besoin s'il voulait mener à bien le plan qu'il avait conçu tout au long de ces heures douloureuses passées dans l'obscurité de ce repaire. Il sourit. C'était le roi qui avait insisté pour qu'il aménage un abri secret dans sa maison de Louvo avec un passage souterrain débouchant sur le fleuve en cas d'urgence. Au début, il avait refusé, mais l'histoire avait enseigné aux souverains du Siam que de telles dispositions étaient nécessaires.
Une tâche longue et ardue l'attendait.
Il avait calculé qu'il
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