Le dernier vol du faucon
impressionné par la bonne volonté et la sincérité de l'épouse de Vichaiyen et, maintenant, il la regardait avec des yeux nouveaux, pleins de concupiscence. Il savourait à l'avance le moment où il la
posséderait en se demandant ce qui l'exciterait le plus - la pâleur de sa peau ou le fait qu'elle appartenait à Vichaiyen. Quoi qu'il en soit, il se promettait de nombreuses satisfactions entre le moment où il lui ouvrirait les jambes et celui où il informerait Vichaiyen de son succès.
A sa sortie du cachot, Sunida avait triste mine. Épuisée, hagarde, sa peau jaunâtre et tirée se creusait de cernes sombres. Mais elle avait gardé le silence, refusant de répondre à leurs questions pour se contenter de les fixer avec défi. Sorasak avait commencé par serrer les poings en songeant qu'elle aurait tôt fait de retrouver sa voix quand elle crierait pour demander grâce. Puis il avait vu la manière dont l'épouse de Vichaiyen la regardait. Visiblement, il n'y avait pas trace d'amour entre les deux femmes. Il les prendrait peut-être toutes les deux ensemble dans son lit... Il se mit à saliver en envisageant toutes les possibilités offertes par cette alléchante perspective. Pourquoi avoir donné à l'homme des désirs, songea-t-il, si ce n'est pour les satisfaire ?
En prenant congé de Maria, il l'avait remerciée en lui promettant un prochain rendez-vous avec son père. Puis il avait conduit Sunida au quai où l'attendait sa barque, ordonnant que l'on enchaîne et que l'on bâillonne la prisonnière puis qu'on la jette à fond de cale. Après quoi, il accorda un peu de repos à ses hommes - soixante rameurs qui faisaient office également de garde personnelle -, les avertissant qu'ils partiraient pour Louvo dès le lever du jour.
Thomas Ivatt traversa la barre et pénétra dans le large estuaire de la Rivière des Rois. Il avait quitté Mergui dix jours plus tôt et progressé rapidement. D'ici quelques heures il serait à Bangkok et ferait une courte halte au fort pour s'informer des dernières nouvelles avant de continuer vers Louvo et retrouver Phaulkon.
Accoudé au bastingage du voilier pour contempler
les eaux claires, il se demanda si le général français s'était enfin laissé convaincre d'intervenir et si Petraja avait été arrêté.
Il était accompagné d'une douzaine de ses meilleurs combattants pour les mettre à la disposition de Phaulkon. On ne savait jamais. C'était de robustes Indiens, des Tamouls à la peau sombre, originaires des provinces du Sud, des hommes qui avaient été autrefois au service des rajahs. Quand ces derniers furent renversés, ils avaient fui à Mergui où Ivatt les avait enrôlés.
Lorsque le bateau déboucha d'un méandre, Ivatt, incrédule, se figea devant la scène extraordinaire qui se déroulait sous ses yeux. Une grande jonque battant pavillon français était encerclée par une multitude d'embarcations siamoises qui cherchaient à lui bloquer le passage, ne lui laissant aucune échappatoire. Bientôt, les assaillants siamois commencèrent à lancer contre les Français des flèches enflammées.
Ivatt demeura stupéfait. S'agissait-il d'un conflit local ou d 'un affrontement de plus grande envergure ? Devait-il intervenir ou passer outre sans se faire remarquer pendant qu'il en était encore temps? Il se trouvait maintenant à hauteur des bateaux mais le fleuve était large à cet endroit et les Siamois ne s'intéressaient qu'à la jonque française. Il pouvait donc se glisser entre la rive et eux.
Les chances étaient par trop inégales et il décida de ne pas s'en mêler. Les Français - dont il distinguait à présent les uniformes - étaient écrasés sous le nombre. En tant que mandarin siamois, il lui était difficile de leur venir en aide, ne connaissant même pas la raison du conflit. De plus, il n'avait que douze hommes avec lui et ne pouvait se permettre de les perdre. Une autre mission les attendait.
Pétrifié, il vit les Siamois se préparer à aborder la barque française en poussant des cris de guerre. L'officier français plaça un tonneau de poudre à l'arrière et cria à ses hommes de venir le rejoindre. Il vit ceux-ci se grouper en ordre de bataille, l'épée et les fusils
pointés face à l'ennemi. Les Siamois se précipitèrent sur eux et plusieurs tombèrent sous les coups, mais d'autres arrivaient en vagues par-derrière pour escalader les flancs de la jonque. Debout au milieu de ses hommes, l'officier français ordonnait
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