Le dernier vol du faucon
près de deux mois qu'il ne l'avait pas vu. Qu'avait donc fait de Bèze pendant tout ce temps?
«Auguste et Puissant Seigneur, moi, votre esclave, je souhaite entendre vos royales paroles et les mettre dans mon cerveau et au sommet de ma tête. Moi, un grain de poussière, j'implore Votre Majesté d'autoriser cette voix impure et profane à monter jusqu'aux portes de ses divines oreilles. C'est bien moi, votre esclave, Vichaiyen. »
Il y eut un croassement de satisfaction. «Nous sommes heureux de t'entendre, Vichaiyen. Tu as... manqué à notre cœur. »
Le Seigneur de la Vie lutta pour inspirer un peu d'air. Quand il reprit la parole, sa voix avait une trace d'irritation. «Pourquoi es-tu resté aussi longtemps loin de nous? Nous t'ordonnons à partir de maintenant de ne pas quitter Louvo.
- Auguste et Puissant Seigneur, je reçois vos ordres. Moi, un cheveu de votre tête, n'aspire à rien de plus que de rester auprès de mon Seigneur et Maître. Les ennemis qui menaçaient la province occidentale sont repartis vers la côte indienne de Coromandel, et votre esclave Thomas Ivatt est désormais promu gouverneur de Mergui. L'empire occidental de Votre Auguste Majesté est maintenant en sécurité et entre des mains dignes de confiance.
- C'est bien, Vichaiyen. Nous sommes satisfaits.» Le roi se releva sur ses coussins. «Mais sache que nous venons d'avoir l'évidence irréfutable que notre vie touche à sa fin. La question de la succession se pose donc. Aussi nous vous avons appelés... toi et notre fidèle courtisan Petraja pour être tous deux les gardiens de nos volontés. Vous devez nous donner votre parole d'appuyer Pra Piya et de veiller à ce qu'il soit installé en toute sécurité sur le trône quand nous ne serons plus là. Notre ami Petraja a demandé l'autorisation de lever une armée pour assurer une transition sans heurts et nous y réfléchissons. Nous te demanderons ton avis à toi aussi. Mais avant, tu dois écouter les arguments de Petraja. Tout d'abord nous voulons... boire du thé.»
Une jeune esclave sortit de l'ombre où elle se terrait et, tête penchée, éleva un bol vers les lèvres royales. Le roi but longuement et poussa un petit soupir.
«Nous nous sentons mieux. Petraja, es-tu là?
- Auguste et Puissant Seigneur, je reçois vos ordres. Moi, un grain de poussière, je suis ici devant vous. »
Phaulkon frissonna. La voix familière était venue de la forme prostrée à côté du lit. Ainsi Petraja, le moine reclus, avait quitté son monastère bouddhiste pour lever une armée. La situation commençait à devenir dangereuse. Le roi déclinait et, avec des troupes
pour le soutenir, Petraja pouvait aller aussi loin qu'il le souhaitait.
«Explique à Vichaiyen ton projet.»
La tête rasée se tourna vers Phaulkon dans la pénombre.
«Votre Excellence n'ignore pas combien les Siamois sont attachés à leurs traditions. Ils s'attendent à ce que, selon la coutume, l'un des frères de notre Auguste Souverain accède au trône. Pra Piya est sans aucun doute un choix éclairé, mais le bruit court qu'il se prépare à se convertir à la foi catholique. Cette nouvelle agite beaucoup notre peuple qui respecte les enseignements du Seigneur Bouddha depuis les origines de notre nation. C'est pourquoi, il est impératif que je lève une armée afin de nous assurer que la volonté de notre Auguste Souverain soit convenablement respectée. »
Les pensées de Phaulkon tournaient à plein régime. Petraja devait avoir des espions un peu partout. Sinon, comment aurait-il été avisé des plans des jésuites? Au diable ces prêtres qui complotaient et se mêlaient de tout. Leur fanatisme faisait le jeu de son rival. Certes, le Siam était parcouru de nombreuses rumeurs mais jusqu'à quel point le général exagérait-il? Il devenait urgent de le découvrir.
«Auguste et Puissant Seigneur», répondit-il, sachant qu'en présence du roi deux personnes ne pouvaient s'adresser directement la parole sans l'autorisation du souverain, « ma femme est une catholique fervente et elle aurait été la première à être informée de tels bruits. Je crois savoir que le général Petraja a mené pendant quelque temps une vie de reclus dans un monastère. Ses craintes reflètent sans doute celles des moines inquiets du fanatisme avec lequel les jésuites cherchent à imposer leurs croyances. Mais il est absolument prématuré d'envisager que le Siam ait un souverain chrétien.
- De semblables rumeurs
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