Le discours d’un roi
l’eau en des temps si difficiles. Le duc, grandement reconnaissant envers Logue pour tout ce qu’il lui avait apporté, le recommandait régulièrement à ses amis.
La couverture médiatique dont profita Logue grâce au Sunday Express de décembre 1928 semble aussi avoir aidé ses finances, comme il le mentionna dans une lettre adressée au duc en février : « Depuis Noël, j’ai reçu plus de cent lettres de gens partout dans le monde qui me demandent de les prendre comme patients. Certaines sont sur le ton de l’humour, mais toutes font de la peine 55 . » Malgré cette légère reprise, en 1932, la récession économique l’avait sérieusement ébranlé, comme il le confia au duc en janvier : « Cette année a été très dure pour moi, car de nombreuses personnes ont perdu leur emploi. »
Entre-temps, Logue s’était apprêté à ouvrir une nouvelle clinique, projet dont il fit part au duc dans sa lettre annuelle d’anniversaire, en décembre 1932. Bertie ne cacha pas son enthousiasme : « J’ai été très intéressé d’entendre parler de votre nouvelle clinique, répondit-il le 22 décembre. Je pense que vous avez raison de vous lancer seul, et j’ai l’impression que beaucoup de personnes vous connaissent maintenant comme la seule personne capable de guérir durablement les défauts d’élocution. Je parle souvent de vous, et communique votre adresse quand on me la demande. » Le duc termina sa lettre par la formule : « En espérant vous revoir bientôt. »
Mais ce ne fut pas le cas ; en mai 1934, Logue écrivit de nouveau pour déplorer leur manque de contact, tout en le félicitant pour ses progrès vocaux. Une semaine plus tard, le duc répondit : « Je suis désolé de ne pas vous avoir vu depuis si longtemps (deux ans, comme vous le dites), mais j’ai très peu souvent ressenti le besoin de me tourner vers vous. Je sais que c’est ce que vous voulez, mais en même temps je me sens ingrat de n’être pas venu vous voir. » Il continuait ainsi : « Ma ceinture a fait des merveilles au cours de ces deux années, et maintenant je l’ai enfin fait couper sous le diaphragme, ce qui me permet de respirer sans le soutien dont j’avais besoin avant 56 . »
Bien qu’occupé, le duc promit de passer le voir bientôt. « Avez-vous toujours votre cabinet à Harley Street ? Car je pourrais encore gravir ces marches, je crois », écrivit-il.
Ils finirent effectivement par se revoir en 1934, mais ce rendez-vous resta exceptionnel.
Pendant ce temps, Logue continuait d’émerger de l’ombre. Après la parution du livre de Darbyshire, un article parut sur lui dans le quotidien News Chronicle du 4 décembre 1930, sous la rubrique Journal intime d’un homme du monde. Son auteur, qui signait du pseudonyme Quex, était impressionné par l’aspect juvénile de cet homme qui venait de fêter son cinquante-cinquième anniversaire : « Ses yeux bleus ont l’éclat de la jeunesse. Il a les cheveux épais et brillants, le teint d’un écolier, presque aucune ride sur le visage, et cet éclat qui est plus anglais qu’australien. »
« Eh bien, répliqua Logue. J’avoue pouvoir encore courir plus d’un kilomètre, même si l’idée ne m’enchante guère ; et vous savez, on reste toujours jeune d’esprit quand on se fait des amis fidèles. »
En revenant sur sa carrière, il remarqua : « Ce qu’il y a de vraiment extraordinaire, c’est le nombre de personnes qui n’entendent jamais vraiment leur propre voix. J’ai enregistré une demi-douzaine de patients avec un gramophone. Ils parlent dans le combiné, et quand les voix sont reproduites, il est surprenant de constater combien sont incapables de retrouver le disque qu’ils ont enregistré. De toute évidence, chez l’individu lambda, la mémoire visuelle est plus développée que l’orale. »
Logue prétendait que sa puissance d’observation était telle que, même s’il était hors de portée de voix, il lui suffisait de regarder un groupe de personnes pour savoir lesquelles souffraient de problèmes d’élocution, « du moment qu’elles se comportent normalement, qu’elles ne restent pas immobiles et qu’elles effectuent leurs gestes habituels ».
Logue exposa ses théories plus en détail dans un article paru dans le Daily Express du 22 mars 1932. Intitulé « Votre voix est peut-être votre chance », ce texte faisait partie d’une série de « Discussions sur la santé et la
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