Le discours d’un roi
habituels après son anniversaire pour « le petit “liiivre”, qui est parfait à tous égards et ne prend pas de place dans la poche ».
Les conseillers du duc s’intéressaient aussi grandement à son travail avec Logue, comme le révèle cette lettre écrite par Patrick Hodgson, le secrétaire particulier du duc, envoyée le 8 mai 1930 :
Cher Logue,
Si vous pouviez persuader le duc de discuter davantage lorsqu’il se rend à des fonctions officielles, vous rendriez un grand service. Tout va bien au dîner, mais lorsqu’on lui présente de nouvelles personnes, il se contente de leur serrer la main et de rester parfaitement muet. Je pense que c’est entièrement dû à la timidité, mais cela fait mauvaise impression sur les inconnus. Je sais qu’il a peur d’aller vers les gens et de ne pas réussir à parler ; mais si vous pouviez le convaincre qu’il lui serait bénéfique de faire cet effort, cela nous aiderait beaucoup, car il sera confronté à de nombreuses situations de ce genre cet été.
Mais en dépit de ses tentatives, Logue voyait le duc de moins en moins souvent ; il exhortait pourtant son patient royal, par lettres interposées, à trouver le temps de venir en consultation. S’il y eut effectivement un rendez-vous en mars 1932, celui-ci n’aurait pas de suite avant deux ans.
« Vous devez vous demander où je suis passé, écrivit le duc le 16 juin 1932 de Rest Harrow, à Sandwich, dans le Kent, où il passait une semaine de détente avec sa famille. Vous vous souvenez qu’en mars, je vous avais fait savoir que j’étais fatigué et que je ne me sentais pas très bien. J’ai vu un médecin qui m’a dit que mes intestins s’étaient affaissés, que mes muscles inférieurs étaient faibles, et que j’étais donc malade. À présent, avec des massages et une ceinture, je vais mieux, mais il faudra du temps pour retrouver une bonne santé. Avant, je me plaignais de ma respiration “trop basse”, comme je l’appelais ; comme ces muscles étaient faibles, j’avais l’impression que mon diaphragme n’était pas maintenu. À présent, je respire plus facilement avec l’aide de la ceinture, et je parle bien mieux avec peu d’efforts. »
Le duc conclut sa lettre en promettant de passer le voir bientôt, tout en l’avertissant qu’il était occupé et que ce ne serait pas possible dans l’immédiat. D’ailleurs, la visite n’eut pas lieu cette année-là, ni la suivante ; comme le duc prenait de l’assurance, leurs séances devenaient moins nécessaires.
En septembre, le duc étudia les immenses progrès effectués depuis ses premières consultations avec Logue. Il avait toujours des appréhensions lorsqu’il devait s’exprimer en public, et parlait lentement et posément, « mais rien n’arrive pendant un discours qui m’inquiète davantage ». Les hésitations aussi étaient moins nombreuses ; Logue lui conseilla de ne plus marquer de temps d’arrêt entre les mots, mais plutôt entre les groupes de mots.
La Grande Dépression commençait à faire des ravages : à la fin de l’année 1930, le chômage en Angleterre avait plus que doublé, passant de 1 à 2,5 millions de sans-emploi, soit l’équivalent d’un cinquième de la population active. Même la famille royale ressentait le besoin de faire des sacrifices (quoique surtout symboliques). L’un des premiers gestes du roi après que Ramsay MacDonald, le chef du parti travailliste, avait formé son gouvernement national en août 1931, fut de réduire la liste civile de 50 000 livres sterling tant que l’urgence se ferait sentir. Pour sa part, le duc arrêta la chasse et ferma son écurie. « Ce fut un grand choc pour moi de me rendre compte qu’avec les restrictions économiques, je devrais apprendre à me passer de la chasse, écrivit-il à Ronald Tree, maître des Pytchley Hounds, dans le Northamptonshire, où il avait chassé lors des deux saisons précédentes tout en louant Naseby House 54 . Et je dois vendre mes chevaux aussi. C’est pire que tout, ce sera terrible de me séparer d’eux. »
Ceux qui, comme Logue, devaient travailler pour vivre, souffraient encore plus. En un temps où tout le monde se serrait la ceinture, les services qu’il proposait n’étaient pas considérés comme indispensables. S’il s’appliquait à ne pas donner l’impression de profiter de ses relations royales, il est certain que celles-ci l’aidèrent néanmoins à garder la tête hors de
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