Le discours d’un roi
médiatiques. De chaque côté de l’Atlantique, les journaux et revues abreuvaient leurs lecteurs d’articles et de photographies des deux filles, souvent d’ailleurs avec l’encouragement de la famille royale elle-même, qui n’était pas contre ce genre de publicité. Fait notable, le troisième anniversaire de la petite « Lilibet » – on appelait ainsi Elizabeth dans la famille – fut considéré comme une occasion suffisamment extraordinaire pour lui valoir de faire la couverture du Time , le 21 avril 1929, alors que son père n’était même pas héritier du trône.
Pendant ce temps, la situation personnelle de Logue évoluait aussi. En 1932, il quitta Bolton Gardens avec Myrtle pour s’installer sur les hauteurs de Sydenham Hill, un quartier où l’on trouvait essentiellement des villas victoriennes entourées de généreux jardins, et qui offraient de magnifiques vues de la ville. Leur maison, Beechgrove, au 111, Sydenham Hill, une grande demeure des années 1860 peut-être un peu défraîchie, comportait trois étages et vingt-cinq chambres. Elle se trouvait à quelques rues du Crystal Palace, l’immense édifice de verre à la structure métallique qui avait abrité l’Exposition universelle de 1851 ; d’abord érigé à Hyde Park, il avait été déplacé au sud-est de Londres à la fin de l’Exposition. Quand le Crystal Palace fut détruit par un spectaculaire incendie en novembre 1936, attirant des centaines de milliers de personnes, Logue et Myrtle furent aux premières loges.
À l’époque, Laurie était un solide gaillard de plus de vingt ans, qui mesurait près d’un mètre quatre-vingts et avait un physique athlétique hérité de sa mère. Il était parti à Nottingham pour apprendre l’hôtellerie chez Messes Lyons. Son frère, Valentine, étudiait la médecine à l’hôpital St. George, qui se situait alors à Hyde Park Corner ; Antony, le plus jeune, fréquentait Dulwich College, à environ deux kilomètres et demi de là. Il fallait plusieurs serviteurs pour s’occuper de la maison, mais l’espace additionnel fut utile à la famille, qui prit des pensionnaires pour arrondir ses fins de mois.
À la grande joie de Myrtle, la maison était dotée d’environ deux hectares de jardin, avec des rhododendrons et une étendue boisée à l’extrémité qui, si les rumeurs étaient vraies, avait servi à enterrer les morts à l’époque de la peste. Il y avait aussi un court de tennis. En souvenir de sa terre natale, elle réussit à faire pousser des gommiers et des acacias australiens, même si c’était à l’intérieur d’une serre et non à l’air libre, où le climat frais de Londres ne leur aurait pas été des plus profitables.
À l’époque, la relation qu’entretenait Logue avec le duc éveillait en lui des émotions conflictuelles. Comme tout enseignant, il devait ressentir une certaine fierté en constatant ses résultats ; pourtant, plus son élève progressait, moins il avait besoin de ses services. L’orthophoniste s’efforçait néanmoins de maintenir le contact, lui écrivant régulièrement et continuant de lui envoyer ses félicitations, ainsi qu’un livre à l’occasion de son anniversaire. Des lettres rédigées par le duc, ainsi que des brouillons de celles qu’il avait écrites lui-même étaient tous fidèlement collés dans son album-souvenir.
Le 8 mars 1929, par exemple, Logue lui écrivit pour lui demander comment se passaient ses discours : « C’est l’époque où j’enquête auprès de mes patients pour savoir s’ils ont de bons résultats, si leur élocution est satisfaisante et si elle ne leur pose pas de problème. Comme je vous ai toujours traité comme n’importe quel autre patient, j’espère que cela ne vous dérangera pas. » Cinq jours plus tard, le duc répondit que, malgré une épidémie de grippe chez lui, « lors des quelques occasions de prises de parole en public, tout s’est bien passé 53 ».
En septembre, le duc écrivit à Logue du château de Glamis, en réponse à sa lettre de félicitations suite à la naissance de Margaret Rose : « Nous avons attendu longtemps, mais tout s’est très bien déroulé. Ma petite dernière se porte comme un charme, et elle a de bons poumons. Mon épouse va merveilleusement bien, alors je n’ai aucun souci de ce côté. Je m’exprime convenablement ; mes inquiétudes n’ont pas affecté mon élocution. » Puis, en décembre, il y eut les remerciements
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