Le discours d’un roi
hors d’Ipswich aussi vite qu’elle était arrivée, et la police barra la route derrière elle avec une de ses voitures, bloquant la circulation pendant dix minutes.
Édouard et Wallis n’étaient cependant toujours pas libres de se marier. D’après la loi sur les divorces de l’époque, le jugement ne serait pas définitif avant six mois… ce qui signifiait que, officiellement, elle serait sous la surveillance d’un procureur du roi jusqu’au 27 avril 1937. Si, au cours de cette période, on la trouvait dans une situation compromettante avec un homme, on pourrait la traîner de nouveau au tribunal ; dans le cas où la décision aurait été en sa défaveur, on lui interdirait à tout jamais de divorcer d’avec son mari dans un tribunal anglais. Ce n’était cependant qu’une formalité. Comme le Time le relata, quelque trente-six heures après avoir obtenu son jugement, Wallis « soupait gaiement au palais avec le roi et quelques amis ». Après quoi, Édouard « l’escorta » jusque chez elle, à Cumberland Terrace.
Mais désormais l’horloge tournait, et le gouvernement se trouvait face à un dilemme. Tandis que les journaux américains offraient des comptes rendus salaces n’épargnant aucun détail, la presse britannique continuait de faire preuve d’une extraordinaire réserve. The Times , journal de référence, relata malgré tout le divorce, mais seulement à la fin d’une rubrique consacrée aux actualités provinciales. Si jamais des journaux américains ou d’autres pays parvenaient en Grande-Bretagne, les colonnes relatant la liaison royale étaient noircies, des pages entières déchirées.
Mais l’affaire ne pouvait être étouffée éternellement, notamment en raison du fait que des Britanniques voyageaient à l’étranger, où ils lisaient ou entendaient à la radio ce qui se passait chez eux. Le 16 novembre, Édouard invita Baldwin à Buckingham Palace et l’informa qu’il comptait épouser Mme Simpson. S’il pouvait le faire tout en restant roi, alors « très bien », dit-il… mais si les gouvernements de la Grande-Bretagne et de ses dominions s’y opposaient, il était « prêt à partir ».
Le roi avait cependant quelques sympathisants notables de son côté, parmi lesquels Winston Churchill, futur Premier ministre de l’Angleterre de guerre, qui fut hué à la Chambre des communes lorsqu’il se déclara en faveur d’Édouard. « Quel crime le roi a-t-il commis ? demanda Churchill plus tard. Ne lui avons-nous pas prêté serment d’allégeance ? Ne sommes-nous pas liés par ce serment ? » Au début, du moins, il sembla aussi être d’avis que la relation d’Édouard avec Mme Simpson tournerait court, tout comme ses liaisons antérieures 64 .
Logue observa certainement le déroulement des événements dramatiques de décembre 1936 avec autant de surprise et d’horreur que les autres sujets du roi Édouard. Ses relations avec le duc d’York avaient également été mises entre parenthèses, bien qu’il reçût une invitation pour se rendre à une garden-party le 22 juillet, à Buckingham Palace.
Les Logue connurent aussi de nouveaux changements : en septembre, Laurie, le fils aîné, adjoint du département des glaces au Lyons, épousa Josephine Metcalf, de Nottingham. Valentine, leur fils médecin qui avait cinq ans de moins que Laurie, travaillait désormais à l’hôpital St. George, où on lui avait décerné le prestigieux prix de chirurgie Brackenbury. « J’aurais aimé qu’il fasse le même métier que moi, mais il est déterminé à devenir chirurgien », écrivit Logue au duc.
Entre-temps, il n’avait pas abandonné l’idée de raviver le lien royal. Le 28 octobre, le lendemain du jour où Wallis Simpson avait obtenu son jugement provisoire, Logue rédigea une nouvelle lettre au duc pour suggérer un rendez-vous. « C’est en juillet 1934 que j’ai eu l’honneur de discuter la dernière fois avec Votre Altesse Royale, écrivit-il, et bien que je suive tout ce que vous faites et dites avec le plus grand intérêt, c’est tout autre chose que de vous voir en personne, et je me demandais si vous auriez pu libérer un peu de temps dans votre emploi du temps très chargé pour venir à Harley Street… simplement pour s’assurer que toute la “mécanique” fonctionne convenablement 65 . »
Le duc avait de bonnes excuses pour ne pas avoir répondu à la proposition de Logue : la crise survenue concernant
Weitere Kostenlose Bücher