Le discours d’un roi
les femmes de sa génération étaient amoureuses de lui 59 . Édouard ne montra que peu d’intérêt pour les tentatives de ses parents guindés de lui trouver une épouse convenable, et préféra s’adonner à des aventures extraconjugales, dont la plus scandaleuse, qui dura seize ans, fut avec Freda Dudley Ward, l’épouse d’un membre libéral du Parlement. Après avoir mis fin à cette relation en se contentant de ne plus répondre à ses coups de fil, le prince commença à fréquenter Thelma, lady Furness, l’épouse américaine du vicomte Furness, magnat de la navigation, et soeur jumelle de Gloria Vanderbilt. Le couple eut une brève aventure.
C’est dans la maison de son mari, à Burrough Court, près de Melton Mowbray, en 1930 ou 1931 (selon le compte rendu auquel on se fie), que Thelma présenta le prince à son amie intime, Mme Wallis Simpson. Cette élégante trentenaire plutôt séduisante était née Bessie Wallis Warfield en 1896, dans une ancienne famille de Pennsylvanie qui avait connu un revers de fortune, lui laissant des penchants opportunistes. En 1916, à vingt ans seulement, elle s’était mariée avec Earl Winfield Simpson, un aviateur américain ; mais celui-ci étant porté sur la boisson, ils divorcèrent en 1927. Un an plus tard, elle gravit les échelons de la haute société en épousant Ernest Simpson, un homme d’affaires américain installé à Londres qui connaissait du beau monde.
Comme le duc de Windsor s’en souviendrait plus tard dans ses Mémoires, leur relation débuta curieusement. Cherchant un sujet de conversation quelconque, il lui avait demandé si, en tant qu’Américaine, elle souffrait du manque de chauffage central pendant son séjour en Grande-Bretagne. Sa réponse l’avait surpris.
« Je suis désolée, monsieur, avait-elle rétorqué, l’air moqueur, mais vous m’avez déçue.
— Comment cela ? avait répondu le prince.
— Toutes les femmes américaines qui visitent votre pays se voient poser la même question. J’espérais quelque chose de plus original de la part du prince de Galles 60 . »
Son approche directe plut à Édouard, qui passait le plus clair de son temps entouré de flagorneurs. Leur amitié du début se mua en relation amoureuse lorsque Thelma rentra aux États-Unis en janvier 1934, afin de rendre visite à sa soeur. Puis, pendant l’été, le prince invita Wallis et son mari à une croisière à bord du Rosaura , un ferry de 700 tonnes converti depuis peu en yacht de luxe par lord Moyne, politicien et homme d’affaires dont la famille avait fondé la compagnie de brassage de bière Guinness. Ernest dut décliner l’invitation, car il partait en voyage d’affaires aux États-Unis, aussi Wallis embarqua seule. C’est là, affirma-t-elle plus tard, qu’elle et le prince « franchirent cette frontière indéfinissable entre l’amour et l’amitié 61 ».
Le fait que le prince de Galles ait une maîtresse, une Américaine mariée qui plus était, ne posait pas vraiment problème, car les mentalités avaient évolué depuis l’époque où le futur Édouard VII courait les jupons dans tout Londres. Du moment qu’elle restait l’amante. Mais Édouard semblait peu enclin à distinguer, comme son prédécesseur, les femmes susceptibles de partager son lit et celles provenant d’un milieu propice à en faire des reines. Des ennuis se profilaient à l’horizon.
Après son couronnement, la popularité d’Édouard grandit, ainsi que son amour de tout ce qui était moderne et en vogue. Au sud du pays de Galles, lors d’une visite dans des villages d’exploitation houillère particulièrement frappés par la Grande Dépression, il charma la foule en déclarant qu’il fallait « faire quelque chose ». Ses proches furent moins éblouis : il congédia de nombreux officiels du palais qu’il considérait comme les symboles d’un ordre ancien, et aliéna beaucoup de ceux qui restaient en réduisant leurs salaires afin d’équilibrer les finances royales… tout en dépensant des sommes astronomiques dans l’achat de bijoux pour Wallis chez Cartier et Van Cleef & Arpels.
Édouard était souvent en retard à ses rendez-vous, qu’il annulait même parfois à la dernière minute, ce qui avait le don d’exaspérer les ministres. Les fameuses boîtes rouges, qui contenaient les documents de l’État sur lesquels les monarques étaient censés travailler respectueusement, étaient rendues en retard, et les
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