Le discours d’un roi
chrétiens du mariage, mais au sein d’un cercle social dont les exigences et le mode de vie sont étrangers aux meilleurs instincts et traditions de son peuple, tonna l’archevêque. Que ceux qui appartiennent à ce cercle sachent qu’aujourd’hui, ils essuient les reproches de la nation qui a aimé le roi Édouard. »
Le caractère direct des commentaires de l’archevêque suscita une réaction furieuse de la part de plusieurs personnes, qui écrivirent aux journaux ; il peina aussi le duc de Windsor, qui entendit ces nouvelles au château d’Enzesfeld, en Autriche, où il séjournait avec le baron et la baronne Eugen Rothschild.
Mais ce que l’archevêque avait à dire sur le nouveau roi était plus grave encore : « Dans ses manières et son expression, il est plus calme et réservé que son frère. Et permettez-moi ici d’ouvrir une parenthèse qui ne sera peut-être pas inutile. En l’écoutant, son peuple remarquera de brèves hésitations occasionnelles dans son discours. Mais il les maîtrise désormais parfaitement, et ceux qui l’écoutent ne ressentent pas de gêne, car celui qui parle n’en éprouve aucune. »
Manifestement, l’archevêque pensait bien faire. Lors d’un discours à la Chambre des lords le lendemain, il loua les « qualités remarquables » du nouveau roi : sa « franchise, sa simplicité, son dévouement assidu à ses devoirs publics » ce qui, même s’il ne l’énonça pas ainsi, contrastait clairement avec le frère auquel il succédait.
Les remarques de l’archevêque Lang furent reprises par la presse. « Les membres du conseil privé du souverain se sont vu poser la même question par leurs proches : “Est-ce qu’il bégaie ?” relata le Time du 21 décembre. Aucun membre de ce conseil n’a pu déclarer que Sa Majesté ne balbutiait plus. »
Bien que la presse britannique s’abstînt de discuter de telles affaires, les commentaires de Lang permirent d’alimenter une rumeur allant à l’encontre du nouveau roi et de son aptitude à régner. Elle s’intensifia lorsqu’il annonça en février qu’il repoussait un darbâr de couronnement en Inde, initialement prévu par son frère, à l’hiver suivant, en raison des lourdes tâches et responsabilités qu’il avait dû endosser depuis son accession inattendue au trône. Mais pour certains, c’était là un signe de faiblesse et de fragilité ; parmi les sympathisants du duc de Windsor, qui étaient de moins en moins nombreux, on suggéra que Bertie n’aurait peut-être pas les épaules pour survivre à l’épreuve du couronnement, et encore moins à la pression royale.
En Australie, cette accession au trône avait poussé les journaux à recentrer l’attention sur le rôle qu’avait joué l’un des leurs dans la guérison du problème d’élocution de Bertie. Cependant, on trouva une rare opinion contradictoire dans la rubrique du courrier des lecteurs du Sydney Morning Herald , le 16 décembre 1936 ; un certain H. L. Hullick, secrétaire honorifique du Club des bégayeurs de l’État de Nouvelle-Galles du Sud, s’indignait contre le diagnostic de Logue selon lequel le problème du roi était de nature physique.
Je suis tout à fait en mesure, écrivait Hullick, de déclarer qu’aucun bégaiement n’a de cause physique. Cette théorie a été abandonnée au XIX e siècle ; quelle que soit l’époque, ce fut toujours une mauvaise estimation, sans aucun fondement logique. Le bégaiement est un dysfonctionnement émotionnel, et à moins qu’on n’en tienne compte lors du traitement, les problèmes vocaux ne peuvent être résolus.
Ayant moi-même bégayé toute ma vie avant d’être guéri très récemment, j’apprécie mieux que quiconque la lutte que Sa Majesté a dû mener pour surmonter son défaut, et je ne lui en porte que plus de respect. Je ne connais pas ce M. Lionel Logue, mais j’ai entendu parler d’au moins quatre autres messieurs qui affirment également avoir guéri le duc d’York de son bégaiement.
La lettre de Hullick entraîna une réponse animée de plusieurs autres correspondants, notamment d’une certaine Esther Moses et d’Eileen M. Foley de Bondi, dont la lettre fut publiée le 24 décembre :
Nous aimerions informer le secrétaire du Club des bégayeurs de quelques faits concernant M. Lionel Logue, de Harley Street, anciennement d’Australie du Sud, et de son traitement incontestablement réussi de Sa Majesté, le roi
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