Le discours d’un roi
accompagnant les apparitions publiques du Führer.
Ce discours, qui en temps de paix aurait dû présenter les propositions législatives du gouvernement, fut bref et concis : « La guerre réclame l’énergie de tous mes sujets », commença le roi. Il déclara ensuite aux parlementaires qu’il leur serait demandé « des financements supplémentaires pour la conduite de la guerre », mais ne dit rien d’autre des intentions du gouvernement.
Un autre grand discours attendait le roi cette année-là : le message de Noël. À l’heure où le pays était en guerre, tout le monde était conscient – y compris le roi – qu’il ne pouvait pas ne pas s’adresser à ses sujets. Il fut donc décidé que le roi enverrait un message personnel à son peuple à la fin de l’émission Round the Empire , sur la BBC dans l’après-midi du 25 décembre.
Il n’était pas facile de trouver le ton juste pour ce discours : alors même que le conflit entrait dans son quatrième mois, la situation n’avait guère évolué, du moins pour la population civile. L’opinion publique avait plus que jamais l’impression de vivre une « drôle de guerre ». En dépit de quelques fausses alertes, tout était calme sur le front de l’Ouest, et les raids aériens que l’on redoutait tant n’avaient toujours pas commencé. Bon nombre d’enfants qui avaient été évacués vers les campagnes étaient revenus chez eux. Les seuls véritables combats se déroulaient sur mer et ils n’étaient pas favorables à l’Angleterre : le 13 octobre, un sous-marin allemand parvint à franchir les défenses britanniques à Scapa Flow, au nord-est des côtes écossaises, et à couler le cuirassé Royal Oak qui se trouvait alors au mouillage. Plus de 830 marins périrent dans cette attaque. Dans l’Atlantique Nord, les navires britanniques chargés d’approvisionnements vitaux étaient harcelés par la marine allemande. Parmi les rares succès de la flotte britannique, on peut citer la destruction du cuirassé de poche Graf Spee lors de la bataille du Rio de la Plata, au large de l’Uruguay.
En résumé, l’Angleterre était tout sauf mobilisée. Il régnait un climat d’apathie et de contentement que le roi entreprit de combattre. Il parla de ce qu’il connaissait directement : de la Royal Navy, « sur qui s’étaient déchaînées, au cours des quatre derniers mois, la violence et la fureur d’une guerre incessante » ; de l’armée de l’air dont les pilotes « ajoutaient chaque jour de nouveaux lauriers à ceux de leurs aînés », et enfin du corps expéditionnaire britannique en France. « Leur tâche n’est pas aisée, dit-il. Ils attendent, et l’attente est une épreuve pour les nerfs et pour la discipline. »
« Une nouvelle année commence, poursuivit-il. Nous ne savons pas ce qu’elle nous réserve. Qu’elle amène la paix et nous serons tous reconnaissants. Qu’elle amène la guerre et nous ne faiblirons pas.
« En attendant, je crois que nous pouvons tous trouver un message d’encouragement dans ces quelques lignes que je souhaite vous adresser pour finir. »
Le roi cita alors, apparemment de sa propre initiative, quelques vers d’un poème jusque-là inconnu et qu’il venait juste de recevoir. Il avait été écrit par Minnie Louise Haskins, professeur à la London School of Economics, et avait fait l’objet d’une publication privée en 1908.
« “Je dis à l’homme qui gardait l’entrée de l’année : Donne-moi une lumière pour trouver mon chemin à travers l’inconnu. Et il me répondit : Entre dans les ténèbres et mets ta main dans la main de Dieu. Cela sera pour toi plus utile qu’une lumière et plus sûr qu’un chemin familier.”
« Que cette main puissante nous guide et nous soutienne tous. »
Le roi avait redouté ce message de Noël, comme presque tous ses autres grands discours. « C’est toujours une épreuve pour moi et je ne commence à profiter des joies de Noël qu’une fois qu’elle est terminée », écrivit-il ce jour-là dans son journal 84 . Il est toutefois indéniable que son intervention eut un impact positif considérable sur le moral de la population.
Le poème de Haskins intitulé God Knows (Dieu sait) devint immensément populaire sous le titre The Gate of the Year (La Porte de l’année). Il fut imprimé sur des cartes et largement diffusé. Ses vers marquèrent profondément la reine qui les fit graver sur une plaque
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