Le discours d’un roi
remettre notre cause entre les mains de Dieu. Si chacun d’entre nous y reste résolument fidèle, prêt à tous les efforts et les sacrifices nécessaires, alors, avec l’aide de Dieu, nous vaincrons.
Dieu nous bénisse et nous protège.
Une fois que le roi eut fini et que le voyant rouge se fut éteint, Logue lui tendit la main et dit : « Félicitations pour votre premier discours de guerre. » Son épreuve à présent terminée, le roi répondit simplement : « J’imagine que je vais devoir en faire beaucoup d’autres. » Alors qu’ils sortaient de la pièce, la reine, qui les attendait à l’entrée, dit à son mari : « C’était bien, Bertie. »
Le roi se dirigea à son bureau pour la photographie officielle et Logue resta avec d’autres dans le couloir. « Bertie n’a pratiquement pas dormi la nuit dernière, il était tellement inquiet. Mais maintenant que nous avons pris cette décision importante, il est beaucoup mieux », lui confia la reine.
Le roi les rejoignit, et alors que Logue s’inclinait devant la reine pour prendre congé, celle-ci lui dit : « Je vais devoir m’adresser aux femmes. M’aiderez-vous à préparer mon discours ? » Logue répondit que ce serait pour lui un grand honneur.
Signe de l’importance de ce discours, les journaux du lendemain indiquèrent que le roi avait « consenti » à ce que le texte soit imprimé à 15 millions d’exemplaires et envoyé avec un fac-similé de sa signature à chaque foyer britannique. Cet envoi massif n’eut toutefois jamais lieu : les responsables estimèrent que cette opération nécessiterait 250 tonnes de papier, déjà en réserve limitée, et l’administration postale s’alarma du fardeau que cela représenterait pour ses effectifs déjà réduits. Il fut décidé que les 35 000 livres que coûterait cette opération pouvaient être dépensées à des fins plus utiles, d’autant plus que la presse avait déjà publié le discours dans son intégralité, accompagné d’une photo du roi vêtu pour l’occasion de son uniforme d’amiral. Comme d’habitude, on l’y voyait assis à son bureau alors que, comme toujours, il avait prononcé son discours debout.
De nouvelles restrictions apparurent au cours des jours et des semaines suivantes. L’essence commença à être rationnée à partir du 25 septembre, chaque foyer ne recevant plus que vingt-sept litres par mois. Du jour au lendemain, Londres prit des allures de village campagnard. Les rationnements de nourriture, de combustible et autres produits furent instaurés au début de l’année 1940. Les Logue avaient de la chance : le bois situé au bout de leur jardin leur assurait suffisamment de combustible, et ils avaient largement la place de cultiver leurs propres fruits et légumes. En outre, Valentine était fin tireur et ramenait souvent du lapin pour le dîner.
Les Logue eurent également un heureux événement à célébrer : le matin du 8 septembre, Jo, la femme de Laurie, accoucha d’une petite fille prénommée Alexandra. À la même époque, Tony, dont la bonne humeur avait toujours égayé la maisonnée, se préparait à partir pour l’université de Leeds où il devait suivre son frère aîné à l’école de médecine (son premier choix s’était porté sur Londres mais la guerre avait bouleversé ses projets). Non sans tristesse, ses parents le conduisirent à la gare de King’s Cross, le 5 octobre. « Son départ me prive de bien des joies », confiera Myrtle dans son journal.
Avec ou sans guerre, la cérémonie d’ouverture du Parlement était prévue au mois de novembre et le roi comptait sur Logue pour l’aider à surmonter cette épreuve. Le bruit courut que le roi n’apparaîtrait pas en public et que le programme du gouvernement serait lu par le lord chancelier.
Le roi fut finalement présent le jour dit, mais cette cérémonie n’en fut pas moins unique en son genre. Composante majeure de ce genre d’événement, le cérémonial et les costumes d’apparat passèrent à la trappe. Le roi et la reine se rendirent au palais de Westminster en voiture – et non en carrosse –, accompagnés d’une suite réduite au minimum. Le roi était vêtu d’un uniforme de la marine et la reine portait une robe de velours et une fourrure ornée de perles pour se protéger du froid. Pour les commentateurs, la sobriété et la solennité de cette cérémonie contrastaient vivement avec les vulgaires fanfares
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