Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Druidisme

Le Druidisme

Titel: Le Druidisme Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
tout.
    Certes, le dieu Lug, le « Multiple Artisan »,
paraît assez bien correspondre à la divinité totale. Mais c’est une apparence.
Il n’est que « Multiple Artisan », c’est-à-dire actif dans le monde
des réalités sociales. Il combat même les forces chaotiques représentées par
les Fomoré, dont pourtant il est lui-même issu. Il n’est pas le Créateur à
l’origine de tout, il n’est que l’animateur du tout. Tout en étant
multi-fonctionnel, Lug n’incarne pas la totalité du divin : sa multifonctionnalité
n’est en réalité qu’une fonction supérieure. Quand Lug est né, à la fois de
l’ordre (les Tuatha Dé Danann) et du désordre (les Fomoré), le monde était déjà
en place, et le rôle de Lug était d’assumer ce monde en obéissant au plan
d’ensemble visible dans les structures de la société celtique : établir ou
maintenir l’équilibre indispensable entre la cohérence et l’incohérence. C’est
le sens de la lutte entreprise par Lug contre son grand-père Balor. Mais ce
n’est qu’une péripétie dans une série d’aventures qui ne sont guère que la
représentation dramatique des contradictions internes de la divinité.
    Il n’est donc pas possible de croire au polythéisme des
Celtes, du moins au niveau le plus élevé qui est celui de la classe sacerdotale.
Que le peuple ait pu prendre à la lettre les figurations divines et vénérer une
multitude de dieux, c’est possible, mais ce n’est même pas certain. Certes,
plus on s’éloigne d’une doctrine intellectuelle et abstraite, telle qu’elle est
de mise au niveau du clergé, et plus on va vers le bas de l’échelle sociale,
plus on rencontre la « Foi du charbonnier ». C’est une foi qui ne se
pose pas de questions et qui admet d’emblée toutes les images qu’on présente.
Mais il n’est pas établi que les personnages divins qui remplissent les épopées
celtiques soient obligatoirement des entités. La part de la narration dans la
mythologie augmente d’autant les formules simplificatrices : et, en ce
sens, les dieux personnalisés de l’épopée sont des simplifications qu’une lecture
au premier degré tendrait à nous faire prendre pour des réalités vécues dans la
vie religieuse proprement dite. Il ne faut jamais oublier que nous ne
connaissons la mythologie celtique que par des récits narratifs d’ordre
littéraire, et qui sont donc des adaptations, des transpositions sur le plan du
récit, de données essentiellement théologiques. Quand on nous raconte que les
dieux agissent, qu’ils combattent, qu’ils s’enivrent, qu’ils copulent, et même
qu’ils meurent, c’est qu’on nous en donne une image anthropomorphique. Or,
d’après la fameuse réflexion de Brennos, le chef gaulois de l’expédition vers
la Grèce, dans un temple où il avait vu l’image des dieux grecs, on peut être
certain que, dans leur doctrine, les druides n’auraient pas admis une
représentation anthropomorphique de la divinité. À vrai dire, si on en croit
Diodore de Sicile (frag. XXII), il est exclu que les Celtes aient pu
représenter ainsi leurs dieux : « Brennus se mit à rire parce qu’on
avait supposé aux dieux des formes humaines et qu’on les avait fabriqués en
bois et en pierre. » C’est précis. C’est à la fois le rejet de la
figuration anthropomorphique dans la statuaire, et l’impossibilité de supposer
une nature humaine aux dieux.
    Alors, qui sont donc ces personnages divins que l’on voit
s’organiser, se battre, s’enivrer, copuler et mourir dans les récits
mythologiques ? Logiquement, si l’on s’en réfère à l’attitude de Brennos,
ce ne sont pas des dieux.
    Il faut toujours, en ce domaine, repartir sur la base donnée
par César. Elle est fiable dans la mesure où le proconsul, qui connaissait des
druides, qui avait de nombreux informateurs dans toutes la Gaule, s’est efforcé
de comprendre le mécanisme de pensée de ses adversaires, pour mieux les réduire
à sa merci. Quand César se vante et « arrange » la réalité
historique, c’est pour se donner le beau rôle. Quand il parle des mœurs des Gaulois,
il n’a aucunement besoin de travestir cette réalité. Et César, répétons-le
parce que c’est primordial, a rendu compte des divinités gauloises selon des critères sociaux  :
c’est ainsi que nous avons retrouvé les trois fonctions indo-européennes dans
la triade Apollon-Mars-Jupiter, une triple fonction dans le personnage

Weitere Kostenlose Bücher