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Le Druidisme

Le Druidisme

Titel: Le Druidisme Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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contours anthropomorphiques d’une statue, ni dans les
chaînes d’un nom  : car qui possède le nom
d’une personne, possède cette personne. Le nom de Dieu est ineffable,
imprononçable. Il est peut-être écrit quelque part, mais cela ne sert à rien,
puisqu’on ne sait pas de quelle façon le prononcer. Dans la légende hébraïque,
Lilith le savait. Et c’est pourquoi Lilith rôde toujours dans l’ombre, sous des
formes sans cesse renouvelées. Dans la légende celtique, le dieu-druide connaît
lui aussi ce nom, mais il ne veut pas le prononcer. Il sait le faire, mais
alors il risquerait de tout compromettre : Dieu étant devenir, il faut que
ce devenir soit éternel. Et l’ensemble de la création participe à ce devenir,
de telle sorte qu’on est en droit de prétendre que, dans la doctrine druidique,
existe ce concept ontologique d’une grande envergure : Dieu est à faire.
    Il y a donc un fossé entre cette idée fondamentale et la
pâle notion de polythéisme. Cela explique en grande partie l’attitude du héros
celte, toujours prêt à aller jusqu’au bout, prêt à l’impossible. Et cet
héroïsme se retrouvera chez les saints du christianisme celtique. Être un
héros, être un saint, ce n’est pas subir passivement les décrets d’une divinité
immuable et immobile dans l’espace. C’est au contraire, après avoir pénétré les
grands secrets, c’est-à-dire les plans supérieurs divins, mettre ces plans en
œuvre, les appliquer dans les moindres détails. Pour cela, il faut de la force,
voire de la violence, une énergie et une volonté sans bornes, le sentiment
qu’on ne peut survivre que par dépassement total de soi-même et du monde. Et il
faut aussi la connaissance. Cela, c’est le dieu-druide qui le donne, et c’est
aux humains d’en comprendre la portée.
    L’univers des dieux celtes n’est jamais statique. Il ne peut
pas y avoir de répit dans le devenir de Dieu. La conséquence pratique en sera
que rien n’est jamais définitif tant que le plan supérieur de Dieu ne sera pas
appliqué totalement. Et il ne le sera probablement jamais. C’est la seule
chance de survie pour l’humanité. Si les dieux meurent, les humains aussi
mourront. Et Dieu n’existera plus. C’est pourquoi les druides sont à tous les
rouages décisifs de la société celtique, en tant que guides conscients
d’appliquer le plan divin à la société humaine sans laquelle, malgré tout, rien
ne pourrait alimenter le Devenir de Dieu.
    Il y a une grande beauté et une grande sérénité dans cette
conception druidique de la divinité, mais aussi un appel constant, permanent, à
l’Être. Si l’Être se contentait d’être, ce serait le vide, le vacuum que recherchent certains systèmes philosophiques
orientaux. Mais le druidisme est aux antipodes de la théorie du non-être, aux
antipodes du non-vouloir, aux antipodes de la négation du vouloir-vivre. La
doctrine, telle qu’elle apparaît dans tous les récits, à travers les faits et
gestes des héros, des dieux et des hommes, peut se résumer à un vouloir-vivre effréné. Dieu est le but, mais Dieu,
ce dieu unique innommable, recule sans cesse devant les efforts des humains. Et
il reculera éternellement, souriant comme l’Ogmios décrit par Lucien de
Samosate, tirant comme lui, avec des chaînes qui lui partent de la langue, le
troupeau des humains souriants eux aussi, parce qu’ils savent que leur voyage
durera éternellement.

2) LE MONISME DRUIDIQUE
    Ainsi défini, le Dieu druidique est en dernière analyse le
même que le Dieu des Chrétiens, alpha et oméga, début et fin de toutes choses.
Si les fili irlandais, dépositaires de la
doctrine druidique, sont devenus aussi facilement des prêtres chrétiens, c’est
bien parce que leur théologie concordait sur les grands principes avec la
nouvelle théologie. Mais il semble qu’on ait fait disparaître de la tradition
les détails qui, prouvant cette identité théologique, pouvaient prêter à
confusion et montrer le druidisme comme trop proche des conceptions
chrétiennes. Ce sont les écrivains grecs et latins pré-chrétiens qui ont
manifesté leur admiration pour l’élévation de pensée de la doctrine des
druides, comparant ceux-ci à Pythagore. Les premiers chrétiens, que ce soient
les Pères de l’Église ou les moines irlandais, ont insisté davantage sur les
« superstitions » et les « sacrifices » qu’ils dénonçaient,
et ont laissé de côté les arguments

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