Le Druidisme
tradition mythologique, et aussi un rituel caractérisé par des objets magiques
ou sacrés dont la tradition littéraire ultérieure fera grand usage, preuve
absolue de leur extrême importance. Comme le dit un court texte du Livre Jaune de Lecan, manuscrit du XIV e siècle, à propos des Tuatha, « la
science, le druidisme et la diablerie étaient à leur service » ( Textes mythologiques , I, p. 80), le terme
« diablerie » recouvrant évidemment, au Moyen Âge, toutes les pratiques
que ne pouvaient admettre les chrétiens.
La tentation est alors très forte de voir dans les Tuatha Dé
Danann les populations de l’Âge du Bronze, voire les populations de l’époque
mégalithique. Ce sont, après tout, les populations antérieures aux Celtes,
comme les Tuatha par rapport aux Gaëls. Et nous verrons tout ce que le
druidisme a pu recueillir de l’héritage de ces populations. Autre tentation qui
découle de l’origine nordique des Tuatha : celle de voir dans ceux-ci les
ancêtres communs des Germains et des Celtes. Les arguments ne manquent pas.
D’abord, Celtes et Germains sont de tradition indo-européenne et proviennent de
la même souche primitive, mais du côté du nord. Ensuite, les écrivains de
l’Antiquité classique les ont souvent confondus, et eux-mêmes avec les
Scythes : les Celtes sont tous venus de régions situées à l’est du Rhin,
probablement du Harz, et ils ont longtemps côtoyé les Germains sur les bords de
la Baltique et de la Mer du Nord [56] .
D’autre part, il est incontestable, d’après des études de vocabulaire
comparées, que les Celtes, dans un premier temps plus évolués que les Germains,
ont contribué à la constitution sociale du groupe germanique [57] .
Enfin, la mythologie celtique et la mythologie germano-scandinave offrent de
nombreux points de convergence, compte tenu d’une influence plus tardive de
l’Irlande sur l’Islande et vice versa.
Une chose, à vrai dire capitale, s’oppose à ces tentatives
d’identification pré-indo-européenne des Tuatha Dé Danann : le druidisme
ne peut en effet exister que dans les structures d’une société celtique. Il est
donc impossible de considérer les Tuatha Dé Danann comme des populations
préceltiques, puisqu’ils ont, même de façon symbolique, apporté le druidisme en
Irlande. On rétorquera que s’il s’agit d’une population à la fois préceltique
et prégermanique, sa structure sociale ne pouvait qu’être indo-européenne, mais
cela n’a rien à voir avec le caractère celtique absolu qu’on est obligé de
reconnaître au druidisme. Si les Tuatha Dé Danann sont réellement, ou
mythiquement, les introducteurs du druidisme en Irlande, ils devront être
nécessairement des Celtes.
Nous avons dit que les Tuatha débarquent en Irlande le jour
de Beltaine. Leur calendrier festiaire celtique est donc déjà fixé. Et cela ne constitue pas une preuve, car les autres
invasions mythiques de l’Irlande se produisent également à des dates du festiaire
celtique ; du moins c’est ce que les Irlandais du Moyen Âge affirment,
refusant à envisager les antiques populations de l’Irlande dans un contexte
socio-culturel autre que le contexte traditionnel des Celtes. Le premier
occupant post-diluvien de l’Irlande, Partholon, a trois druides. L’un des
quatre chefs du deuxième envahisseur, Nemed, est Iarbonel le
« devin », c’est-à-dire un druide. Et quand les troisièmes
envahisseurs, les Fir Bolg, s’emparent de l’Irlande, ils la partagent en cinq,
strictement d’après le principe gaélique des « cinq cinquièmes », ou
des « cinq royaumes ». Quels que puissent avoir été les occupants
successifs de l’Irlande, ils sont tous présentés, dans la tradition recueillie
au Moyen Âge, comme des Celtes à part entière, plus précisément des Gaëls.
Aucun Irlandais du Moyen Âge n’a paru douter un seul instant de cette vérité.
Il est vrai que le Moyen Âge n’a jamais eu la notion de l’anachronisme :
les Irlandais qui, comme les autres Celtes, ont une tendance très nette à considérer
l’histoire comme a-chronique, n’avaient aucune raison de ne pas procéder ainsi.
Tout ce qu’on peut dire, c’est que cela ne favorise guère l’historien moderne.
D’ailleurs, si l’on suit la trame des récits sur les
différentes invasions de l’Irlande, on observe une cohérence absolue. La
première occupation, antédiluvienne, opérée par la femme primordiale
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