Le Druidisme
druidisme et magie diabolique, ce témoignage nous apprend que
les anciens Irlandais ne croyaient pas que leur île ait été le berceau du
druidisme.
Un autre texte irlandais, sans doute l’un des plus
archaïques, La Bataille de Mag Tured , apporte
une précision intéressante qui a le mérite – ou l’inconvénient – d’ouvrir la
porte sur un large débat. Il s’agit des Tuatha Dé
Danann , ou « Gens de la déesse Dana », peuple assez mystérieux
qui passe, dans la tradition pseudo-historique irlandaise, pour avoir précédé
immédiatement les « Fils de Mité », c’est-à-dire les Gaëls.
« Les Tuatha Dé Danann étaient dans les Îles du Nord du Monde, apprenant
la science, la magie, le druidisme, la sorcellerie et la sagesse, et ils
surpassèrent tous les sages en arts des païens » [54] .
Deux notions essentielles sont à retenir de ce court passage : premièrement,
les Tuatha Dé Danann sont les introducteurs du druidisme (dans toutes ses
variantes) en Irlande ; deuxièmement, c’est dans les Îles du Nord du Monde
qu’ils avaient appris le druidisme.
Les Îles du Nord du Monde posent un problème. Si on les
prend à la lettre, cela mettrait l’accent sur le caractère nordique du druidisme, ce qui, de toute façon,
paraît incontestable. Mais, dans ce cas, où se trouvent ces îles ? On
pourrait répondre que, pour les Irlandais, l’Écosse est une île du nord,
d’autant plus que l’Écosse est entourée de multiples petites îles, dont certaines,
comme Iona, devenu centre monastique grâce à saint Colum-Cill, étaient
certainement autrefois un sanctuaire druidique. Cela pourrait désigner
d’ailleurs toute l’île de Bretagne, ou encore certaines îles, plus au sud, mais
quand même dans le « nord du monde », comme la fameuse Mona
(Anglesey) décrite par Tacite comme un important centre druidique, et dont
parle l’historiographe Solin (XXII, 7) en en faisant l’île des Silures,
« séparée par un détroit difficile du rivage occupé par le peuple breton
des Domnonéens ; les habitants observent encore les vieilles
coutumes ; ils n’utilisent pas la monnaie, honorent les dieux, et les
hommes comme les femmes, ils pratiquent tous la science des augures ». On
pourrait également y voir Séna, la célèbre île de Sein, où résidaient des
prêtresses en vérité plus féeriques que réelles, qui, selon Pomponius Méla
(III, 6), « réservent leurs remèdes et leurs prédictions pour ceux qui
n’ont voyagé et navigué que dans le but de les consulter ». Pourquoi ne
pas envisager également l’île sacrée d’Héligoland, sur la côte orientale de la
Mer du Nord ? De bien curieuses traditions persistent à propos de cette
île qui se trouve dans une région autrefois occupée par les Celtes, et que l’on
a pu considérer comme un débris de l’Atlantide [55] . À
moins que ce ne soit l’île d’Oesel, dans la Baltique, qui se nommait autrefois Abalum ( Insula Malifera ),
terme dans lequel on retrouve à la fois le nom d’Apollon et celui de l’île
d’Avallon, l’île des Pommiers. Et on pourrait remonter jusqu’à la lointaine
Thulé, l’ Ultima Tulé qui a tant excité les
imaginations, et dont des auteurs grecs comme Polybe, mettant en doute les
rapports du navigateur Pythéas, nous ont laissé des descriptions
fantastiques : « Pythéas a trompé le public… à propos de Thulé et des
pays voisins, en affirmant qu’il n’y a ni terre, ni mer, ni air dans ces
parages, mais un mélange de tous les éléments, assez semblable à un poumon
marin, et en plaçant enfin et la terre et la mer et l’air au-dessus de ce poumon
dont il fait le lien de toutes ces parties sans qu’il soit possible de naviguer
sur cette matière ou d’y marcher » (Polybe,) (XXIV, 5). C’est probablement
dans ces parages que se trouve la curieuse Mer Morte, appelée par les Cimbres Marimaruse (Pline, Hist. Nat. IV, 27). Compte tenu
du fait que les Cimbres en question sont les Celtes, l’étymologie du mot Marimaruse est celtiquement correcte. Mais Thulé
relève surtout du domaine germanique, du moins depuis le haut Moyen Âge, et il
est difficile de se faire une opinion là-dessus.
Il est plus que probable que les Îles du Nord du Monde sont
à prendre au sens symbolique. Les îles, aussi bien que le Nord, sont
traditionnellement le séjour des dieux, des êtres surnaturels, ou tout
simplement de « ceux qui savent ». Dans l’esprit des conteurs
irlandais,
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